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Rogers-Shaw: de nouvelles conditions généralement positives

La Presse Canadienne|Publié le 26 octobre 2022

Rogers-Shaw: de nouvelles conditions généralement positives

Le ministre a souligné que les prix au Québec sont actuellement en moyenne 20% plus bas que dans le reste du Canada. (Photo: La Presse Canadienne)

Les nouvelles conditions énoncées mardi par le ministre de l’Industrie, François-Philippe Champagne témoignent d’une volonté de faire franchir la ligne d’arrivée à l’accord proposé de 26 milliards de dollars (G$) entre Rogers Communications et Shaw Communications, ont estimé mercredi des analystes.

Les stipulations portent sur la vente du fournisseur de services sans fil Freedom Mobile, propriété de Shaw, à Vidéotron, propriété de Québecor, un élément clé de la transaction proposée entre les deux groupes de télécommunications.

Dans une note à ses clients, l’analyste Jérôme Dubreuil, de Desjardins, a indiqué que les conditions de M. Champagne suggéraient qu’il appuie la fusion et signalaient que l’entente serait acceptable si Québecor avait la capacité de rivaliser convenablement à long terme.

Maher Yaghi, de la Banque Scotia, a pour sa part observé que la «vision pragmatique» du ministre Champagne pourrait fournir «un bon terrain d’entente» sur lequel les entreprises pourraient s’appuyer et calcule que la probabilité de voir la conclusion de l’accord Rogers-Shaw se situe désormais à 90%.

Les investisseurs semblaient satisfaits de la nouvelle, car les actions de Rogers et de Shaw ont bondi mercredi de 5,8% et de 7,2%, respectivement, à la Bourse de Toronto.

M. Champagne, dont l’approbation est requise pour tout transfert de licence de spectre, a laissé la porte ouverte mardi à une entente révisée, affirmant qu’il avait deux conditions majeures avant d’approuver l’achat de Freedom Mobile par Québecor.

D’abord, il a indiqué que Vidéotron devrait accepter de conserver les licences sans fil de Freedom pendant au moins 10 ans. Puis, il a déclaré qu’il s’attendait aussi à ce que les prix des services sans fil en Ontario et dans l’Ouest canadien diminuent d’environ 20%, afin qu’ils soient conformes aux offres québécoises actuelles de Vidéotron.

Québecor a accepté, plus tôt cette année, d’acheter Freedom Mobile pour 2,85G$.

Un des plus grands obstacles

La vente de Freedom Mobile à Vidéotron verrait Québecor acheter tous les clients sans fil et internet de la marque Freedom, ainsi que l’ensemble de l’infrastructure, du spectre et des points de vente de Freedom dans le cadre d’une opération qui étendrait les activités sans fil de Québecor à l’échelle nationale.

Cela supprimerait également l’un des plus grands obstacles à l’achat de Shaw par Rogers, parce que le fait de conserver Freedom, le quatrième opérateur de téléphonie mobile, donnerait au regroupement trop de pouvoir sur le marché du sans fil, réduisant ainsi la concurrence.

Dans un communiqué publié mardi soir, le chef de la direction de Québecor, Pierre Karl Péladeau, a affirmé avoir l’intention d’accepter les conditions du ministre de l’Industrie et s’est engagé à les intégrer dans une nouvelle version de la transaction.

«Ces (conditions) s’inscrivent dans la même lignée que notre philosophie commerciale couronnée de succès au Québec puisqu’elle nous a permis de prendre une part significative de marché en très peu de temps», indique le communiqué.

«Nous entendons-nous employer à faire bénéficier également aux Canadiens et aux Canadiennes des autres régions de meilleurs prix qui mettront fin au règne du “Big 3” en favorisant la concurrence, l’intérêt public et l’économie numérique canadienne.»

M. Champagne a déclaré mercredi aux journalistes qu’il était satisfait de la réponse de Québecor.

«C’est une bonne chose qu’ils m’aient écouté parce que c’est moi qui, à la fin, devra décider si nous transférons la licence ou non», a-t-il affirmé.

Des conditions encore trop souples?

Certains entretiennent malgré tout des inquiétudes quant à la décision de M. Champagne.

Le chercheur en télécommunications Ben Klass a estimé que le ministre de l’Industrie aurait pu aller plus loin.

«Le ministre essaie de gagner sur les deux tableaux, voulant être perçu comme agissant dans l’intérêt des consommateurs, mais aussi pour apaiser une industrie composée d’un oligopole d’entreprises puissantes», a-t-il affirmé.

«Je pense que le ministre qui est censé protéger les intérêts des Canadiens doit être plus ambitieux.»

Il a souligné l’une des conditions de M. Champagne, celle sur ses attentes d’une baisse des prix du sans-fil en Ontario et dans l’Ouest canadien.

«Lorsqu’ils fixent ces objectifs de prix, ils doivent laisser moins de marge de manœuvre. Donc, s’ils veulent vraiment fixer un objectif de prix qui aidera les consommateurs, ils doivent s’engager de manière soutenue à baisser les prix», a-t-il ajouté.

En plus de l’approbation de M. Champagne, l’entente Rogers-Shaw nécessite le feu vert du Bureau de la concurrence et du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Le CRTC a offert en mars son approbation conditionnelle pour le volet de l’entente qui concerne la radiodiffusion.

Une médiation est prévue plus tard cette semaine entre le commissaire de la concurrence et Rogers et Shaw. Le Bureau de la concurrence tente de bloquer la fusion, affirmant que la vente de Freedom Mobile ne va pas assez loin pour éliminer ses craintes que les factures de télécommunications augmentent dans un contexte de concurrence réduite.

L’analyste Aravinda Galappatthige, de Canaccord Genuity, a indiqué dans une note que les nouvelles conditions de M. Champagne «exerceraient indirectement une certaine pression» sur le commissaire à la concurrence pour qu’il négocie une solution lorsque la médiation commencera, jeudi.

M. Klass a ajouté qu’il ne croyait pas que les derniers développements auraient un effet sur la décision du Bureau de la concurrence et les audiences de novembre.