SCRS: menaces à l’intelligence artificielle par des étrangers
La Presse Canadienne|Publié le 22 février 2023(Photo: La Presse Canadienne)
Le service de renseignement du Canada avertit que des étrangers se tourneront vers l’espionnage et les tactiques d’ingérence pour cibler le secteur de plus en plus important de l’intelligence artificielle (IA) du Canada.
Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) précise dans un mémoire récemment publié que des pays comme la Chine et la Russie peuvent s’intéresser à l’IA du Canada par tous les moyens disponible, dont l’investissement parrainé par l’État et l’utilisation d’agents secrets.
L’analyse du service d’évaluation du renseignement de l’agence fédérale a été achevée en juillet 2021, mais seulement récemment communiquée à La Presse Canadienne en réponse à une demande d’accès à l’information déposée en octobre de la même année.
L’innovation technologique du Canada et les progrès économiques qui en résultent sont vulnérables aux forces étrangères, peut-on apprendre.
Le SCRS affirme par exemple que les capacités émergentes d’intelligence artificielle sont considérées comme essentielles pour développer des moyens de réduire le plastique dans les océans, trouver un vaccin pour traiter la prochaine pandémie, endiguer les émissions polluantes qui causent le changement climatique et trouver des méthodes de navigation sûres pour la conduite autonome des automobiles.
L’analyse note que l’intelligence artificielle est une priorité pour le Canada, considérée comme essentielle aux objectifs nationaux d’innovation et de prospérité.
«Cependant, de nombreux autres pays, y compris des acteurs étatiques hostiles, ont établi leurs propres stratégies et objectifs nationaux en matière d’IA, peut-on lire dans le document. Certains de ces pays, en particulier la Chine et la Russie, auront recours à l’espionnage et à des activités influencées par l’étranger pour faire avancer leurs intérêts nationaux, aux dépens du Canada.»
En conséquence, l’intelligence artificielle se reflète dans les priorités du gouvernement fédéral en matière de renseignement depuis plusieurs années, selon le SCRS.
Deux risques principaux
Le SCRS constate que le Canada fait face à deux principaux types de menaces liées à l’intelligence artificielle.
Le premier implique l’espionnage et l’ingérence étrangère dans les tentatives d’accéder à la technologie et au savoir-faire des propriétaires d’IA via le commerce, les investissements étrangers parrainés par l’État, les coentreprises, le cyberespionnage et les agents de renseignements.
«Une grande partie de ces efforts visent les universités canadiennes et les jeunes entreprises, qui sont responsables de la majorité de notre innovation en matière d’IA, mais qui représentent également un environnement propice à de l’espionnage.»
La deuxième menace concerne les risques pour la sûreté et la sécurité des Canadiens et des forces armées du pays lorsque des adversaires obtiennent et utilisent des capacités d’IA à des fins de renseignement.
Selon le directeur général du Centre pour l’innovation dans la gouvernance internationale à Waterloo, en Ontario, Aaron Shull, l’évaluation du SCRS semble correcte, mais s’il n’en tenait qu’à lui, il irait encore plus loin.
Aaron Shull a cité d’autres menaces étrangères dans ce domaine, y compris les cyberattaques basées sur l’IA qui trouvent rapidement des lacunes dans le code informatique, l’utilisation de la reconnaissance faciale, les robots automatisés qui diffusent de la désinformation et la dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement internationales qui sont en partie contrôlées par adversaires politiques.
«Je pense que nous avons besoin d’un examen complet de nos capacités et de nos services de sécurité nationale et de renseignement. Il faut adopter une vision plus stratégique d’où le Canada devra être dans 20 ans», a expliqué Aaron Shull en entrevue.
Le Canada pourrait alors faire les investissements et les changements législatifs nécessaires pour y arriver, a-t-il dit.
Le SCRS affirme que l’importance de protéger l’intelligence artificielle canadienne et les mégadonnées qui la sous-tendent va au-delà de la simple protection de la vie privée des citoyens et implique «d’assurer l’avenir de notre nation contre les actions d’acteurs étatiques hostiles dans l’intention de tirer parti de leurs capacités contre nous».