TekSavvy demande au CRTC un cadre sur la fibre optique
La Presse Canadienne|Publié le 16 février 2024Dans une décision provisoire rendue en novembre, le CRTC a obligé temporairement Bell et Telus à fournir à leurs concurrents l’accès à leurs réseaux de fibre optique jusqu’au domicile au Québec et en Ontario dans un délai de six mois. (Photo: La Presse Canadienne)
L’entreprise indépendante TekSavvy demande au régulateur fédéral des télécommunications d’uniformiser de toute urgence les règles en matière de concurrence dans l’offre de services internet, dans un contexte de rétrécissement du marché pour les petits fournisseurs.
L’opérateur dont le siège social se trouve à Chatham, en Ontario, a comparu devant le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) vendredi, au dernier jour des audiences que tenait le régulateur fédéral cette semaine à propos de la concurrence en matière de services internet.
Lors de cette série d’audiences, le CRTC a sondé une vingtaine de groupes afin de connaître leur opinion quant à la possible mise en place d’un cadre national qui permettrait aux petits fournisseurs de vendre des services internet par fibre optique à leurs clients en payant leurs rivaux pour utiliser leurs réseaux.
Les plus petits joueurs devraient avoir un avant-goût de ces règles dans les deux plus grandes provinces du Canada à partir de mai prochain. Le CRTC a en effet annoncé en novembre dernier qu’il obligerait temporairement Bell et Telus à fournir à leurs concurrents un accès à leurs réseaux de fibre optique jusqu’au domicile en Ontario et au Québec dans un délai de six mois.
Le CRTC a rendu cette décision provisoire afin de stimuler la concurrence pour les services internet. L’examen qu’il mène actuellement vise à déterminer s’il doit rendre cette décision permanente et, le cas échéant, s’il doit l’appliquer à d’autres provinces.
Prenant la parole en tant que dernier présentateur, le vice-président des affaires réglementaires et des opérateurs de TekSavvy, Andy Kaplan-Myrth, a qualifié l’examen que mène actuellement le CRTC de «procédure réglementaire la plus critique jamais réalisée pour TekSavvy».
Il a rappelé que TekSavvy avait perdu plus de 100 000 abonnés depuis son pic atteint en 2019, dans un contexte réglementaire défavorable aux entreprises indépendantes.
«Je veux assurer aux gens que nous sommes là, que nous fournissons toujours des services. Mais nous ne pouvons pas continuer à attendre dans l’espoir que le régime réglementaire rattrapera un jour notre retard», a prévenu Andy Kaplan-Myrth.
«Cela fait très longtemps que nous fonctionnons sur l’espoir. Cet espoir s’est envolé chez certains concurrents. Nous sommes toujours là. Je ne sais pas pour combien de temps, mais aucune entreprise rationnelle ne repose éternellement sur l’espoir.»
Interrogé sur les possibilités liées à la vente de l’entreprise, Andy Kaplan-Myrth a reconnu que «comme toute entreprise le ferait, je pense que nous avons envisagé une gamme d’options pour notre avenir». Mais il a réitéré que TekSavvy n’avait pas changé de propriétaire et n’était pas actuellement à vendre.
La présidente du CRTC, Vicky Eatrides, a soulevé plus tôt cette semaine que la concurrence entre les fournisseurs d’accès internet avait diminué au cours des dernières années, puisque de nombreux indépendants ont été rachetés par de plus gros joueurs.
Elle a aussi noté que les entreprises indépendantes qui font toujours des affaires continuent d’avoir moins d’abonnés qu’auparavant.
Andy Kaplan-Myrth a qualifié TekSavvy de «l’un des rares concurrents significatifs qui sont toujours là».
Différents enjeux
De grandes entreprises comme Bell se sont opposées à un cadre pour la fibre optique de gros, plaidant que le fait d’exiger de l’entreprise qu’elle ouvre son réseau à ses concurrents nuirait à son analyse de rentabilisation pour investir dans la croissance.
Cependant, pour que TekSavvy soit compétitive, Andy Kaplan-Myrth a martelé qu’elle doit être en mesure d’offrir un service internet par fibre optique, qui s’accompagne de vitesses plus rapides et d’une meilleure fiabilité par rapport au câble.
«La combinaison de la vitesse et de la fiabilité accrue fait en sorte qu’il existe un sous-ensemble croissant de clients qui ne considèrent pas les autres types d’internet comme un substitut suffisant», a-t-il expliqué.
Il a ajouté que TekSavvy est avant tout un concurrent de télécommunications de gros, mais qu’il a également construit son propre réseau de fibre optique à Chatham et dans les environs — un investissement qui «n’aurait pas été possible pour nous sans nos activités de gros».
Par ailleurs, les Opérateurs des réseaux concurrentiels canadiens ont révélé vendredi lors de leur propre témoignage devant le CRTC que plusieurs des fournisseurs indépendants qu’ils représentent se préparent à offrir un accès internet par fibre optique de gros en Ontario et au Québec en vertu des nouvelles règles temporaires lorsqu’elles entreront en vigueur, le 7 mai.
Le président du regroupement, Paul Andersen, a minimisé l’importance des préoccupations exprimées par Bell et d’autres grands fournisseurs.
«Vous avez entendu les opérateurs historiques dire qu’un régime d’accès de gros entraverait les incitations à l’investissement. C’est un mythe et les menaces de réduction des investissements ne sont pas crédibles», a-t-il soutenu.
«Nous ne proposons pas que les entreprises obtiennent un accès gratuit. Les entreprises qui construisent des réseaux devraient avoir droit à un retour sur investissement raisonnable, qui serait suffisant pour encourager de nouveaux investissements.»