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TikTok a perdu une bataille, mais Washington n’a pas encore gagné

AFP|Publié le 24 mars 2023

TikTok a perdu une bataille, mais Washington n’a pas encore gagné

À moins que ByteDance ne trouve un repreneur américain dans « trois à six mois », il estime que « TikTok sera sans doute interdit d’ici à la fin de l’année ».(Photo: Getty Images)

TikTok a perdu une bataille majeure à Washington, et son interdiction aux États-Unis paraît inéluctable, même si le gouvernement va devoir faire preuve de doigté avant de retirer la très populaire plateforme à 150 millions d’Américains.

Son patron, Shou Chew, a fait face jeudi au feu roulant des attaques de la part d’une puissante commission parlementaire, sans vraiment avoir l’opportunité d’y répondre.

Les élus, exceptionnellement unis à droite comme à gauche, accusent TikTok, filiale du Chinois ByteDance, de servir d’outil à Pékin pour espionner et manipuler les Américains. 

Une audition qui s’est terminée en « désastre » pour la plateforme, estime Dan Yves, de Webdush Securities, qui s’attend à une montée des « appels des législateurs et de la Maison-Blanche à bannir TikTok aux États-Unis si ByteDance ne se sépare pas de l’entreprise ».

À moins que ByteDance ne trouve un repreneur américain dans « trois à six mois », il estime que « TikTok sera sans doute interdit d’ici à la fin de l’année ».

Karine Jean-Pierre, la porte-parole de la Maison-Blanche, a évoqué jeudi soir des « négociations en cours avec ByteDance » et précisé que le gouvernement « soutenait fortement » le RESTRICT Act, un des projets de loi visant à bannir TikTok.

Le texte, débattu par les sénateurs ce mois-ci, donne au Département du Commerce de nouveaux pouvoirs pour interdire les technologies qui menacent la sécurité nationale.

Mauvais calcul 

Vendredi matin, le quotidien conservateur New York Post a fait sa une, intitulée « Le bilan de TikTok », avec la photo des parents d’un adolescent mort, présents à l’audition de jeudi.

Ils ont récemment porté plainte contre la plateforme, l’accusant d’avoir montré des milliers de vidéos non sollicitées sur le suicide à leur fils. 

« Votre entreprise a détruit leurs vies », a lancé le représentant Gus Bilirakis en désignant cette famille.

Confidentialité des données des utilisateurs, modération des contenus pilotée par le Parti communiste chinois (PCC), désinformation, dépendance, défis dangereux, santé mentale et physique des enfants et adolescents… La liste des griefs des élus est longue.

La plateforme a tenté de l’anticiper avec une campagne, avant l’audition, mettant en avant sa popularité aux États-Unis, un « mauvais calcul », selon l’analyste Jasmine Enberg d’Insider Intelligence, qui « a renforcé l’argument » des parlementaires.

Les 150 millions d’utilisateurs aux États-Unis « sont autant d’Américains sur qui le PCC peut récolter des informations sensibles, pour, au final, contrôler ce qu’ils voient, entendent et croient », a assené Cathy McMorris Rodgers, la présidente de la commission. 

TikTok a aussi appelé des influenceurs à défendre le service qui les a rendus célèbres.

Mais « mettre en avant l’impact économique de TikTok est aussi une stratégie délicate, étant donné que sa croissance a eu lieu en partie au détriment de sociétés américaines comme Meta. Instagram et YouTube seraient les premiers bénéficiaires » d’une interdiction aux États-Unis. 

Calcul politique

Les États-Unis ont déjà tenté d’américaniser ou interdire TikTok: l’ancien président Donald Trump, excédé notamment par les contenus d’utilisateurs le ridiculisant, y était attelé au nom de la sécurité nationale, en vain.

Les fortes tensions actuelles avec la Chine rassemblent cette fois les républicains et démocrates, et la voix semble libre.

Mais les ONG de défense des libertés, certains élus et de nombreux experts font valoir que TikTok pose essentiellement les mêmes problèmes que Facebook, Twitter et les autres.

« Du point de vue de la sécurité, on pourrait certainement parvenir à une solution qui minimise les risques perçus », explique à l’AFP Michael Daniel, le directeur de Cyber Threat Alliance, une ONG de cybersécurité.

« Mais est-ce que cela serait satisfaisant pour les politiques ? C’est une autre question ». 

Une interdiction signifierait que « les États-Unis, une démocratie, prennent des mesures qui restreignent la capacité de jeunes électeurs (les utilisateurs de TikTok) à s’exprimer et à gagner leur vie », constate Sarah Kreps, professeur de droit et directrice du Tech Policy Institute.

« Étant donné les coûts d’une telle décision, et ses bénéfices limités », continue-t-elle, « les législateurs devraient d’abord envisager de véritables lois de protection des données, et des stratégies de contrôle des risques, comme le Project Texas », le compromis proposé par TikTok pour protéger les données américaines.

« Nous sommes déterminés à offrir une plateforme sûre et inclusive », a tweeté jeudi Vanessa Pappas, la directrice des opérations de TikTok. « C’est dommage que la conversation d’aujourd’hui ait paru émaner de la xénophobie ».