Donald Trump est banni de Facebook et Instagram depuis le 7 janvier dernier. (Photo: La Presse Canadienne)
Le géant des réseaux sociaux a eu raison d’interdire à l’ancien président américain Donald Trump de poster des messages sur Facebook et Instagram, mais il doit examiner à nouveau le cas dans les six mois, a annoncé mercredi le conseil de surveillance du groupe californien.
Selon cette sorte de « cour suprême » de l’entreprise, l’ancien locataire de la Maison Blanche a bien « créé un environnement où un risque sérieux de violence était possible » avec ses commentaires le 6 janvier, jour de l’invasion du Congrès par des militants pro-Trump.
Mais « l’entreprise ne peut pas créer de toutes pièces des règlements dont les utilisateurs n’ont jamais entendu parler », détaille à l’AFP Julie Owono, membre du conseil et directrice de l’ONG Internet sans frontière.
Facebook doit donc prendre une décision plus appropriée d’ici début novembre, qu’il s’agisse d’interdire définitivement, M. Trump des plateformes, de l’autoriser à y revenir ou de suspendre ses comptes pour une nouvelle durée déterminée, a poursuivi l’instance.
« Nous nous réjouissons que le conseil ait reconnu que les circonstances sans précédent justifiaient cette mesure exceptionnelle », a réagi Nick Clegg, le responsable des affaires publiques de la société, qui va maintenant « déterminer une action claire et proportionnée ».
En attendant, le compte de Donald Trump reste suspendu.
« Ce que Facebook, Twitter et Google ont fait est une honte absolue », a réagi l’intéressé dans un communiqué.
« On a retiré la liberté d’expression au président des États-Unis parce que des fous de la gauche radicale ont peur de la vérité, mais la vérité sortira de toute façon, plus grande et plus forte que jamais », a-t-il ajouté, en référence à ses accusations, sans fondement, selon lesquelles des fraudes électorales ont entaché la présidentielle américaine de novembre 2020.
« Cache-misère »
D’autres alliés du milliardaire républicain se sont indignés de la décision du conseil, un verdict important pour le rôle politique des plateformes.
« C’est un triste jour pour l’Amérique, c’est un triste jour pour Facebook », a déclaré sur la chaîne Fox News l’ancien chef de cabinet de Donald Trump, Mark Meadows, qui voit dans la décision un effet dissuasif pour la liberté d’expression.
Si le réseau « peut interdire le président Trump, toutes les voix conservatrices pourraient suivre », a tweeté le chef de la minorité républicaine à la Chambre, Kevin McCarthy
Plusieurs organisations civiles ont pour leur part regretté que le conseil ait renvoyé la décision au réseau social, qui a selon elles trop longtemps toléré les messages incendiaires de l’ancien chef d’Etat.
« Six mois ne changeront rien au fait que pendant des années, Donald Trump a exploité la plateforme pour répandre la haine, inciter à la violence et diffuser de la désinformation en violation flagrante des règles de Facebook », a réagi Jonathan Greenblatt, le président de l’Anti-Defamation League (ADL), une organisation de lutte contre l’antisémitisme.
Et il ne faut pas oublier le contexte, souligne le Knight First Amendment Institute. Les commentaires de Donald Trump étaient « dangereux » parce que « pendant des mois de nombreux Américains ont été exposés à une masse extraordinaire de désinformation électorale sur Facebook, aiguillés par les algorithmes de Facebook et isolés des voix divergentes par l’architecture du réseau », analyse l’ONG.
« Nous sommes inquiets (…) à l’idée que Facebook essaie d’utiliser le conseil comme un cache-misère », ajoute la chercheuse Katy Glenn Bass.
Ostracisation
« Au moment de la publication des messages de M. Trump, il y avait un risque clair et immédiat de préjudice et ses paroles de soutien aux personnes impliquées dans les émeutes ont légitimé leurs actions violentes », a détaillé le conseil de surveillance, dont les décisions sont contraignantes.
En tant que président, avec ses 35 millions d’abonnés sur Facebook et 24 millions sur Instagram, M. Trump exerçait une forte influence, ont-ils également argué.
Le conseil de surveillance avait été saisi par Facebook fin janvier. Financé par le groupe, il est composé de 20 membres internationaux, dont des journalistes, des avocats, des défenseurs des droits de l’homme et d’anciens dirigeants politiques.
D’autres plateformes ont pris des mesures similaires après l’invasion du Capitole.
YouTube attend que « le risque de violence diminue » avant d’autoriser l’ancien président à publier de nouveau des vidéos sur sa chaîne.
Twitter — son ancien réseau de prédilection avec près de 89 millions d’abonnés — a suspendu son compte de manière irrévocable, même si Jack Dorsey, le fondateur du réseau, avait déploré un « échec à promouvoir une conversation saine ».
L’ostracisation numérique de M. Trump avait été globalement saluée par les élus démocrates et la société civile américaine.
Mais en Europe, elle a suscité des critiques d’associations et de dirigeants, dont la chancelière allemande Angela Merkel, inquiets du pouvoir des sociétés technologiques sur la liberté d’expression.