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Une banque dont on pourrait suivre tous les comptes clients?

François Remy|Publié le 24 juillet 2023

Une banque dont on pourrait suivre tous les comptes clients?

(Illustration: Camille Charbonneau)

LES CLÉS DE LA CRYPTO. Ce niveau de transparence improbable dans la finance traditionnelle se révèle technologiquement possible dans l’écosystème du bitcoin. Et pourtant, tout le monde croit, à tort, qu’«il est impossible de savoir ce que les entreprises font de leurs cryptomonnaies».

Les fréquents scandales liés à l’industrie des cryptomonnaies ont pour effet de raviver, voire renforcer, des idées préconçues et mythes en tous genres.

En ces temps où gouvernements et institutions financières envisagent de mieux réguler les actifs numériques afin d’envisager leur intégration au système global, il est particulièrement important de remettre les pendules à l’heure, estime-t-on chez Chainalysis. La plateforme d’analyse des données issues des blockchains vient justement de publier un rapport pour démythifier la crypto dans lequel elle s’attaque à 33 conceptions erronées du monde du bitcoin.

«Nous voulons nous assurer que les institutions financières et les régulateurs se concentrent sur les bons risques, c’est-à-dire les préoccupations réelles et valables — lorsqu’ils évaluent les possibilités offertes par les cryptomonnaies», insiste Chainalysis, l’entreprise restant convaincue que la technologie blockchain dispose d’un énorme potentiel pour démocratiser la finance, accroître la transparence économique, réduire les coûts des affaires et même stimuler l’innovation.

Le bestiaire des mythes pourchassés va de l’affirmation éculée selon laquelle «les cryptos ne sont utilisées que par les criminels» (alors que les outils d’analyse chiffrent à 0,24% la part de transactions illicites sur l’ensemble des volumes en 2022) à l’utopie voulant que «la technologie blockchain résolve tous les problèmes. «Certains enthousiastes vont un peu trop loin dans l’évangélisation», concède volontiers Chainalysis.

 

Toute (entreprise) crypto ne se vaut pas

Cela étant admis, il est tout aussi faux de présenter le secteur crypto de manière monolithique et inévitablement à haut risque. Et ce, sous prétexte notamment, qu’il est impossible de savoir ce que les acteurs crypto font avec leurs monnaies numériques.

L’écosystème peut encore paraître chaotique tant il se montre «incroyablement diversifié», soulignent avec pertinence les rapporteurs de Chainalysis. On s’y perdrait vite dans le dédale de participants directs et opérateurs de marché, fournisseurs de liquidités, de paiements ou de données, gestionnaires d’infrastructures ou plateformes, avec des activités aussi antipodiques que le mining et le gaming, tout en passant par l’intelligence artificielle.

Surtout que de «toutes nouvelles organisations sont en train de bâtir de nouveaux modèles de création, de socialisation et de transaction». Pourtant, fait remarquer le rapport, les observateurs avisés peuvent suivre «toutes les transactions de ces entreprises en temps réel grâce à la transparence inhérente aux blockchains».

 

Une technologie rêvée pour l’antiblanchiment

Les instruments analytiques permettent de jauger le risque de chacune de ces plateformes au fil de leurs échanges. Ce qui se montre en soi aussi prometteur qu’innovant pour les acteurs de l’industrie financière traditionnelle, tout en répondant aux besoins de conformité.

«Imaginez si une banque disposait de ce genre de transparence avec les fonds de tous ses clients», illustre Chainalysis, «la technologie des chaînes de blocs permet de dresser l’inventaire des principales contreparties et de repérer les transactions susceptibles de poser problème.»

Naturellement, nos institutions financières classiques ont longtemps respecté un principe de précaution, pour ne pas dire de déni, avant d’envisager l’exposition aux cryptomonnaies. Il leur fallait essayer d’acquérir des connaissances en matière de blockchain, cette technologie théoriquement vieille, mais dont les applications fonctionnelles ont moins de quinze ans. Une expertise émergente qu’il convenait de s’approprier par l’attention, la formation, l’embauche. Et les savoirs qui en découlent en cascade: tokenomie, gouvernance communautaire, consensus réseautique, etc.

La résilience affichée par le bitcoin et les entreprises nées dans son sillage, malgré krachs, chocs et escroqueries, plaide désormais pour une intégration technologique dans le système global, ne serait-ce qu’au nom de cette transparence idéale pour la gestion des risques, l’identification client, la lutte contre le crime financier.