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Une faille humaine: l’affaire FTX conforte la communauté

François Remy|Publié le 21 novembre 2022

Une faille humaine: l’affaire FTX conforte la communauté

Sam Bankman-Fried se trouve désormais promis au panthéon des escrocs de la crypto. (Photo: Getty Images)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

Tout effondrement charrie son lot d’enseignements, plus ou moins marquant. La faillite de la plateforme vedette FTX illustre une fois encore que les vulnérabilités les plus graves proviennent de certains entrepreneurs et pas des technologies crypto pourtant décriées.

«Ce qui s’est passé chez FTX constitue bien sûr une énorme tragédie», a reconnu Vitalik Buterin, le créateur russo-canadien d’Ethereum, dans un entretien avec Bloomberg. L’histoire de cet empire crypto déchu a pris des proportions presque shakespeariennes. L’idolâtré fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried, n’a rien à envier à Macbeth, le roi dupe, ou Lear, le souverain fou.

«Il existe maintenant des preuves stupéfiantes que l’ancien PDG a exercé le pouvoir de manière erratique, incontrôlée et hautement destructive. Tout cela, alors qu’il cultivait, promouvait et réussissait largement à ancrer dans la conscience populaire l’image brillante d’un leader sage et bienveillant», dépeint Michael J. Casey, le directeur de contenu du média spécialisé CoinDesk qui a joué un rôle déterminant dans l’effondrement de FTX.

Crise de foi

Tout aurait dû se dérouler autrement. La plupart des utilisateurs ou des partenaires commerciaux de FTX croyaient l’argent investi dans des protocoles de finance décentralisée (DeFi) auxquels était censée donner un accès direct cette plateforme «élaborée par les traders, pour les traders». L’acteur centralisé potentiellement corruptible ou vulnérable contrastant avec l’idéologie crypto faisait œuvre de mal nécessaire, car les fournisseurs de liquidités et autres entreprises du marché du bitcoin traitant avec FTX se disaient particulièrement satisfaits par l’ergonomie et l’efficacité de la plateforme.

Avec des revenus enflant comme une montgolfière emplie d’air chaud, et un culte de la personne suivant la même inflation, le jeune multimilliardaire Sam Bankman-Fried était pressenti il y a quelques mois encore comme un «nouveau Warren Buffett», pour reprendre la couverture du magazine Fortune. Mais SBF n’a pas survécu à la comparaison et se trouve désormais promis au panthéon des escrocs de la crypto, aux côtés peu reluisants de Ruja Ignatova de OneCoin ou de Gerald Cotton, feu le fondateur de feu la pépite canadienne Quadriga CX.

«Preuve de fonctionnement»

Avec la procédure de mise en faillite, il ressort que plus d’un million de créanciers font désormais la queue dans l’espoir de revoir une partie des fonds perdus. À l’instar du Régime de retraite des enseignants de l’Ontario. Des retombées dans l’économie réelle pour ce coup dur qui frappe tout l’écosystème crypto. Et dont l’impact reste encore difficile à quantifier à l’heure actuelle. Mais, d’avis d’entrepreneurs crypto, ce nouveau choc systémique démontre que les technologies blockchain et autres protocoles de finance centralisée fonctionnent toujours sans problème.

«De nombreux membres de la communauté Ethereum voient la situation comme une validation des principes auxquels ils ont toujours cru : tout ce qui est centralisé est suspect par défaut», a commenté Vitalik Buterin, plaidant pour accorder notre confiance dans «un code ouvert et transparent avant les individus».

Le créateur d’Ethereum, comme beaucoup d’autres dans le secteur des actifs numériques, s’attend à une influence positive, la chute de Bankman-Fried conduisant à une introspection de l’industrie et une réaction appropriée quant à la transparence et la gestion des risques.