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Victoire cruciale d’Uber en Californie

AFP|Publié le 04 novembre 2020

Victoire cruciale d’Uber en Californie

(Photo: Getty images)

La Californie a approuvé mardi la «Proposition 22», formulée par Uber et d’autres sociétés pour préserver leur modèle de plateformes avec des chauffeurs indépendants, lors d’un référendum déterminant pour la «gig economy» (économie à la tâche), suivi dans les États-Unis et dans le monde.

Les électeurs de cet État américain ont voté «oui» à 58%, alors que 70% des bulletins avaient été comptés à 05H00 mercredi, d’après la presse américaine, qui reprend les chiffres de l’agence Associated Press. 

Uber et Lyft, son concurrent américain, refusent d’appliquer la loi de l’État, entrée en vigueur en janvier, qui leur impose d’embaucher leurs dizaines de milliers de conducteurs, et donc de leur accorder des avantages sociaux (assurances maladie et chômage, congés payés, heures supplémentaires, etc).

À la place, les deux leaders des plateformes de réservation de voitures avec chauffeur (VTC) ont organisé un référendum sur un compromis.

La «Proposition 22» prévoit que les dizaines de milliers de chauffeurs californiens resteront indépendants mais aussi qu’ils recevront des compensations: un revenu minimum garanti, une contribution à une assurance santé et d’autres assurances, en fonction du nombre d’heures travaillées par semaine. 

«Le futur du travail indépendant est mieux assuré désormais, grâce aux nombreux conducteurs comme vous qui se sont fait entendre, et que les électeurs dans tout l’État ont écouté», a écrit Dara Khosrowshahi, le patron d’Uber, dans une lettre adressée aux chauffeurs.

Il leur précise que son entreprise va revenir vers eux dans les semaines prochaines pour leur expliquer «à quoi s’attendre» et «comment tirer le meilleur parti de ces nouveaux avantages».

 

«Dévastés»

Les deux groupes basés à San Francisco, et leurs alliés Postmates, DoorDash et Instacart, ont dépensé plus de 200 millions de dollars pour leur campagne, contre moins de 20 millions du côté des opposants, ce qui en fait l’un des référendums les plus chers de l’histoire de l’État.

Il était suivi de près pour voir si la Californie allait parvenir à dompter la «gig economy».

L’avènement des VTC s’est accompagné de tensions politiques et sociales partout dans le monde, notamment avec l’industrie des taxis. En Californie, de nombreux élus démocrates et syndicats accusent Uber et ses homologues de chercher à échapper aux lois du travail et de léser leurs chauffeurs.

«Nous sommes dévastés par ce résultat injuste», a réagi Erica Mighetto, conductrice Uber depuis quatre ans. «Même si je ne devrais pas être surprise par le fait que des firmes milliardaires puissent acheter des moyens d’échapper aux lois».

Elle faisait campagne depuis des semaines pour le «non»: «Je pense que la plupart des gens voulaient voter en notre faveur. Mais ils ont vu toutes ces pubs pour les convaincre que nous voulons rester indépendants. Alors qu’en réalité, nous n’avons jamais été indépendants», se désole-t-elle.

Les chauffeurs étaient divisés entre ceux qui voudraient des avantages sociaux comme n’importe quel salariés, faisant valoir que les termes de la relation avec Uber sont de toute façon déterminés par la société, et les adeptes de la flexibilité avant tout, qui veulent pouvoir décider de leurs horaires.

 

La suite au tribunal

«Les conducteurs veulent et ont besoin d’être indépendants», a indiqué Jan Krueger, un chauffeur de Lyft à la retraite, cité par la campagne du «oui» dans un communiqué. «La Proposition 22 devrait servir de modèle pour les autres États et le gouvernement fédéral».

La victoire au référendum ne signifie pas nécessairement que le sujet est réglé.

Les syndicats «ont choisi de garder leurs fonds pour la prochaine étape: remettre en cause la constitutionnalité de la mesure», observait fin octobre David McCuan, professeur de sciences politiques à l’université de Sonoma.

Uber et Lyft sont déjà engagés dans un bras de fer judiciaire avec la Californie, État américain le plus peuplé et le plus riche.

Lors d’une audience en octobre, l’avocat d’Uber, Theodore Boutrous, avait fait valoir que la société n’était «pas une entité de recrutement» ni «une entreprise de transports» mais une «plateforme multidimensionnelle qui permet de mettre en contact des passagers et des chauffeurs.»

Matthew Goldberg, qui défend l’État de Californie et les villes de San Francisco, Los Angeles et San Diego, avait rétorqué que les chauffeurs étaient lésés, car ils ne peuvent actuellement pas prétendre à de nombreuses protections sociales, telles que le salaire minimum, le remboursement des frais professionnels ou le congé familial.