L’ancienne commissaire à la protection de la vie privée de l’Ontario, Ann Cavoukian. (Photo: La Presse Canadienne)
Ottawa — L’ancienne commissaire à la protection de la vie privée de l’Ontario se dit troublée «par le manque total de transparence» de l’Agence de la santé publique du Canada (ASPC) sur ses projets de collecte des données de téléphonie mobile de millions de personnes.
Témoignant devant le comité d’éthique de la Chambre des communes, Ann Cavoukian a déclaré qu’elle trouvait «inquiétant» que les données des téléphones portables aient été collectées sans en informer activement le public au préalable.
Mme Cavoukian, qui a été commissaire à la protection de la vie privée en Ontario de 1997 à 2014, s’est dite alarmée par le fait qu’une demande du commissaire à la protection de la vie privée du Canada d’examiner les implications des plans sur la vie privée a été rejetée par le gouvernement.
«Il est absolument essentiel que le commissaire à la vie privée regarde sous le capot», a-t-elle déclaré jeudi.
Elle a dit aux députés que bien que les données recueillies aient été rendues anonymes, des questions subsistent quant à savoir si elles pourraient être «réidentifiées».
Mme Cavoukian a ajouté qu’en général, il est plus facile d’identifier les personnes à partir de données dans les petites communautés que dans les grandes villes.
L’agence de santé publique a indiqué que les données des téléphones portables avaient été recueillies pour l’aider à comprendre les habitudes de déplacement pendant la pandémie de COVID-19.
Elle a précisé dans une déclaration qu’elle «n’a pas identifié ou suivi des individus en utilisant ces données et ne serait pas en mesure de le faire». Les données sont anonymisées et agrégées et ne contiennent pas d’informations personnelles.
En décembre, elle a publié une nouvelle demande de propositions pour suivre les données de localisation des tours de téléphonie cellulaire à l’échelle nationale entre le 1er janvier 2019 et le 31 mai 2023.
L’avis indique que l’accès aux données doit être précis, accessible et opportun, tout en garantissant la confidentialité et la transparence. Il doit également être dépouillé de toute information d’identification.
Daniel Therrien, le commissaire fédéral à la protection de la vie privée, a déclaré au comité lors d’une session précédente que le gouvernement avait décliné son offre de le conseiller sur les implications de la collecte de données à partir de millions de téléphones mobiles. Le gouvernement a plutôt consulté ses propres experts en matière de protection de la vie privée.
Mme Cavoukian a prévenu que les données recueillies en masse lors d’une pandémie ou d’une période de crise ne devraient pas créer de précédent, leur permettant de devenir une pratique habituelle. Elle a ajouté que la protection de la vie privée devrait rester une priorité pendant une crise.
Damien Kurek, membre conservateur du comité, a déclaré dans une entrevue que «le gouvernement semble se préparer à pouvoir utiliser ces informations à plus long terme».
Les Canadiens ont le droit d’être «très préoccupés» par le manque de transparence de l’agence de santé publique concernant la collecte des données de localisation des téléphones portables, a dit M. Kurek.
Les députés ont adopté mardi une motion appelant le gouvernement à suspendre son projet d’étendre la collecte des données de localisation des téléphones portables. Les députés voulaient que les problèmes de confidentialité soient examinés d’abord.
Le bureau du ministre de la Santé Jean-Yves Duclos a déclaré que les données ne contiennent pas d’informations personnelles permettant d’identifier qui que ce soit. Il a ajouté que sa priorité était de garder les Canadiens en bonne santé et en sécurité tout en respectant les normes de confidentialité.
L’agence de santé publique a déclaré que tous les identifiants personnels avaient été supprimés des données avant qu’elle ne les reçoive.
«L’ASPC a informé le bureau du commissaire à la protection de la vie privée (CVP) en avril 2020 de cette question et a assuré qu’une analyse avait été entreprise pour déterminer que les données saisies n’incluraient pas de renseignements personnels, et a eu de nouveau des discussions avec le CVP le 6 janvier 2022», a-t-elle indiqué dans une déclaration.