Les travailleurs «cherchent maintenant un certain confort, une sécurité et ce n'est pas près de changer». (Photo: 123RF)
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RHÉVEIL-MATIN. S’il y a un an à peine les taux de roulement étourdissant étaient fréquents, ce n’est plus tout à fait le cas aujourd’hui, selon deux chasseuses de têtes qui ont partagé avec Les Affaires les changements qu’elles observent dans le milieu du recrutement.
«Pendant un certain temps […] il y avait une effervescence, un sentiment qu’on pouvait essayer n’importe quoi, rappelle Elisabeth Starenkyj, associée principale et co-présidente de La Tête Chercheuse. Il n’y avait pas du tout de crainte de ne pas se trouver un autre emploi. Or, avec les vagues de mise à pied, l’économie qui ralentit, des employeurs un peu plus affirmatifs – autant qu’ils le peuvent -, les employés réfléchissent un peu plus.»
L’«application en rafale», ou le «rage applying» dans la langue de Shakespeare, en est un bon exemple. Démotivés ou malheureux, certains candidats vont envoyer leur CV à une panoplie d’entreprises, pour finalement préférer demeurer en poste une fois le coup de blues passé.
«C’est moins risqué de rester dans son emploi que d’être en évaluation pendant six mois, de devoir se prouver. Ils cherchent maintenant un certain confort, une sécurité, et ce n’est pas près de changer», prédit-elle, car le contexte économique est incertain.
L’autre facteur qui contribue à ce ralentissement, croit Elisabeth Starenkyj, c’est le besoin de redonner du lustre à leur CV.
Elle entend d’ailleurs de plus en plus souvent des candidats souhaités poser leurs valises pour les trois à cinq prochaines années pour démontrer qu’ils peuvent camper un rôle sur le moyen terme. «Certains ont vu leur carrière impactée, car ils ont tellement fait de changements que maintenant, ils se le font mentionner.»
D’importantes discussions à venir
Cela ne signifie pas pour autant que les entreprises qui recrutent doivent se mettre sur le neutre et cesser leurs efforts pour offrir une expérience employé digne de ce nom. Les travailleurs sont toujours à la recherche de flexibilité et d’un bon salaire, sans compter que la pénurie de main-d’œuvre est toujours bien présente, nuance Elisabeth Starenkyj.
«Prendre soin de ses employés est tout aussi prenant et important que de s’occuper de son entreprise, ajoute-t-elle, mais je pense que les employés réalisent que l’entreprise a besoin de bien aller aussi s’ils veulent obtenir de bonnes conditions.»
Ce ralentissement du tempo de la chaise musicale qu’elle observe est peut-être ce qui permet le durcissement du ton de certaines entreprises qui tentent davantage de faire respecter leurs décisions, comme celle du retour plus fréquent sur le lieu de travail.
«On sent un discours plus affirmatif de l’employeur dans ses relations d’embauche ou de renégociation de salaire. Il y a quelque mois à peine, ils disaient oui à tout à cause du besoin de main-d’œuvre, mais là on sent un changement de ton», rapporte la chasseuse de têtes.
La conjoncture économique force cette réflexion-là, renchérit Annie Bissonnette, elle aussi associée principale et co-présidente du cabinet de gestion des talents.
À cause de la surchauffe des augmentations salariales des derniers mois, les entreprises ne suppriment pas nécessairement les postes dont elles n’ont plus besoin, mais dont la rémunération ne peut plus être justifiée dans le contexte actuel, constate-t-elle.
Or, les travailleurs, qui estiment toujours que le rapport de force penche en leur faveur, n’abaissent pas leurs attentes en matière de compensation.
«Avec le ralentissement économique, les coupes de postes, il doit y avoir un dialogue. Je ne pense pas qu’on va en arriver à dire à ses employés qu’on coupe de 15 000$ leur salaire pour rester chez nous. On voit que [leur] bonheur a un prix», souligne Annie Bissonnette.