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Poches et Fils revêt la semaine de quatre jours, sans blague

Catherine Charron|Publié le 13 juillet 2021

Poches et Fils revêt la semaine de quatre jours, sans blague

Ne tentez pas de contacter Poches et Fils le vendredi. Leur atelier-boutique sera désert, ou presque. (Photo: courtoisie)

Poches et Fils troque les «jeudredis» pour les «merdredis», a écrit la PME, fidèle à son ton déjanté, lorsqu’elle a partagé sur LinkedIn son intention de retirer le vendredi de ses heures ouvrables.

Sous ce brin d’humour se cache toutefois une démarche bien sérieuse qui s’est échelonnée sur près de 4 mois avant d’entamer le 5 juillet dernier sa première semaine de 32 heures.

La marge d’erreur était bien mince, confie la cheffe de la direction du fabricant de t-shirts à poche rigolote, Camille Hamelin, en entrevue avec Les Affaires. « En même temps, on l’amène vraiment comme un projet pilote, […] on teste, on est à l’écoute, et on s’ajustera au bout de trois mois », laisse-t-elle entendre.

N’ayant pas de responsable des ressources humaines à l’interne, Poches et Fils a suivi les conseils de l’équipe de la montréalaise Flow, qui se spécialise dans la promotion d’environnements de travail flexible.

Ensemble, ils ont réfléchi aux répercussions que la semaine de quatre jours aurait notamment sur la banque de vacances des employés, de même qu’aux différences d’implantation d’un tel horaire dans l’équipe administrative et celle de production. « Nous produisons nos t-shirts au Québec. Qu’est-ce qu’on fait avec ces employés-là qui sont payés à l’heure, et qui n’ont pas nécessairement le goût de travailler que quatre jours, car ça représente une baisse de rémunération pour eux ? », s’est entre autres demandé Camille Hamelin.

Poches et Fils a donc mené un coup de sonde auprès de ses employés avant de rendre officiel ce nouvel horaire, afin de connaitre leur opinion à l’égard de ce changement, répondre à leurs questions, et ainsi gommer leurs inquiétudes.

Le but premier de cette mesure est de contribuer au bien-être de l’équipe de Poches et Fils. (Photo: courtoisie)

« Sans surprise », la vingtaine d’employés a salué cette nouvelle idée. « Étant donné qu’on a parlé avec chacun d’eux, on s’est entendu sur plus d’heures dans différentes journées, voire même de venir travailler le vendredi pour faire quelques heures. Il y a eu du cas par cas », explique la cheffe de la direction.

En effet, le but premier de cette mesure est de contribuer au bien-être de leurs employés, tout en maintenant leur salaire, après une année éprouvante pour l’ensemble de l’équipe. « Ce qu’on veut éviter, c’est d’être plus exigeant sur quatre jours et d’augmenter le niveau de stress, ce qui est contre-productif », indique-t-elle.

D’où l’importance selon la jeune femme de bâtir des canaux de communication clairs avec son équipe en amont, et pendant cette transition. « Après un mois, on enverra un questionnaire auquel l’équipe pourra répondre anonymement, ou pas, selon ce qu’elle désire, à propos de leur niveau de stress, et de la flexibilité de la démarche, ainsi que sur l’évolution de leur charge de travail et de leur productivité », énumère-t-elle.

 

Des gestes qui comptent vraiment

Gagner en productivité est l’autre objectif de cette démarche. Poches et Fils ne souhaite pas réduire son chiffre d’affaires en retirant huit heures à l’horaire chaque semaine.

La PME fondée en 2015 fait plutôt le pari qu’en permettant à ses employés d’avoir un meilleur équilibre de vie, elle produira mieux, et laissera tomber « organiquement » les tâches superflues pour se concentrer sur l’essentiel.

Si elle souhaitait d’abord prendre en amont la liste de tâche de chacun des employés, et de biffer celles qu’ils jugeaient non-essentielles, Camille Hamelin a plutôt décidé de passer par un processus itératif. « Moi-même, ça fait trois mois que je fais des semaines de quatre jours, et des tâches ont naturellement été éliminées, et ça se passe bien », témoigne celle qui observe tous les bienfaits d’un tel horaire.

Tous n’ont peut-être pas cette même facilité à laisser tomber certaines responsabilités, reconnaît Camille Hamelin.

Ainsi, pour accompagner leurs employés dans ce processus, la PME a déjà en main une liste de formations, pour les aider à mieux gérer leur temps et à prioriser les tâches, s’ils en ressentent le besoin.

Bien que l’équipe de direction soit consciente que cette adaptation peut prendre un certain temps, elle s’attend à ce que les objectifs de performance soient atteints. « Nos exigences demeurent plus ou moins les mêmes, mais on va s’adapter chaque semaine si on se rend compte que ce n’est pas réaliste », affirme Camille Hamelin, qui compte sur ses employés pour lui dire franchement quand ce ne l’est pas.

Elle croit ainsi qu’à long terme, l’entreprise sera 20 % plus productive.

 

Un test de trois mois

L’échéancier de la période de transition n’est pas anodin : elle prend fin pile-poil au moment où la quantité de choses à faire chez Poches et Fils culmine, à quelques semaines du temps des Fêtes. Pour l’équipe de production, cela rimera avec un retour à des semaines de 5 jours, pour répondre aux besoins des clients toujours plus exigeants en termes de délais de livraison.

« L’idée serait d’être neuf mois par année à quatre jours semaine. Mais la question doit se poser : laisse-t-on l’équipe administrative à quatre jours toute l’année, contrairement à l’équipe de production ? Est-ce que ça crée un déséquilibre ? Peut-être que l’on va plutôt demander à l’équipe administrative de prendre leur cinquième journée pour donner un coup de main à l’équipe de production », se demande la cheffe de la direction.

 

Gardez l’œil ouvert, Les Affaires a donné rendez-vous à Camille Hamelin dans trois mois afin de tirer des conclusions de ce qui a fonctionné ou non dans sa démarche.

Bien entendu, l’entrevue ne se tiendra pas un vendredi.