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Recrutement au Mexique: le chemin de croix s’allonge

Catherine Charron|Mis à jour le 13 juin 2024

Recrutement au Mexique: le chemin de croix s’allonge

La nouvelle a pris de court les avocats en droit de l’immigration, confirme pour sa part Camila Velasquez, avocate chez Henriquez Avocats. (Photo: 123RF)

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RHÉVEIL-MATIN. Aux employeurs qui comptaient dénicher au Mexique la perle rare, préparez-vous. Les délais s’annoncent bien plus longs qu’avant le 29 février 2024, préviennent deux avocats en droit de l’immigration.

En effet, c’est là l’une de conséquences de l’entrée en vigueur de nouvelles exigences imposées aux voyageurs mexicains par Ottawa afin de freiner l’arrivée de demandeurs d’asile. Les conditions d’admissibilité à une autorisation de voyage électronique (AVE) ont été revues, et les visas de visiteurs leur sont dorénavant requis.

Si l’annonce semblait à priori ne pas affecter les ressortissants mexicains qui entendaient travailler au pays, la situation est toute autre, confirme Dylan Alary, avocat spécialiste en droit de l’immigration chez Immétis.

«J’ai une cliente mexicaine pour laquelle on a fait une demande de permis de travail trois jours avant l’entrée en vigueur de cette mesure. La demande a été acceptée, mais on ne lui a pas délivré d’AVE — chose que le Canada aurait dû faire normalement — ni de visa. Maintenant, elle n’est plus éligible», déplore-t-il.

La future employée d’une entreprise québécoise a donc en main une demande de permis de travail préapprouvé, mais pas de permis de travail valide puisque celui-ci n’est obtenu qu’à l’arrivée au pays, explique-t-il. Ils doivent recommencer le processus, et cette fois faire une demande de visa. Le risque qu’elle ne soit pas acceptée n’est pas écarté.

«Pour cette candidate prête à immigrer, deux mois se sont ajoutés aux délais de traitement de sa requête», anticipe-t-il.

 

Des changements «soudains»

Lorsque ce genre de mesures est habituellement imposé, le permis de travail préapprouvé vient avec un visa valide, explique l’avocat. Toutefois, les changements «soudains» du 29 février sont tels que les candidats se retrouvent maintenant entre deux chaises.

De plus, rapporte Camila Velasquez, avocate spécialiste en droit de l’immigration chez Henriquez Avocats, des travailleurs mexicains partis en vacances à la relâche scolaire apprennent à leur arrivée à l’aéroport que leur AVE a été annulé par erreur. «Immigration Canada dit qu’ils tentent de régler le problème, mais plusieurs ont raté leur vol», dit-elle.

Dylan Alary ne croit pas qu’à l’avenir, la situation rencontrée par sa cliente devrait se reproduire. Lors de l’annonce, Ottawa a indiqué que «si vous demandez un nouveau permis de travail ou d’études, nous vous délivrerons automatiquement un visa ou une AVE (selon l’admissibilité) lorsque votre demande permis de travail ou d’études sera approuvée. Vous n’avez pas besoin de demander un visa ou une AVE séparément.»

Il anticipe néanmoins que le délai entre l’embauche d’un travailleur mexicain et son arrivée s’allongera significativement au cours des prochains mois, encourageant les employeurs à s’y préparer.

Rappelons qu’en 2021, 43,8% des travailleurs étrangers temporaires au pays provenaient du Mexique selon Statistique Canada.

 

Des problèmes à venir

La nouvelle a pris de court les avocats en droit de l’immigration, confirme pour sa part Camila Velasquez.

Comme depuis 2016, les Mexicains n’avaient plus besoin de faire de demande de visa pour entrer au Canada, il pouvait obtenir un permis de travail directement en arrivant au pays, ce qui accélérait grandement les démarches. Un accès rapide au marché de l’emploi canadien en quelque sorte.

«Ils faisaient la demande d’AVE en ligne, c’était quasiment automatique, puis ils faisaient la demande de permis à l’aéroport. Si tout était conforme, le permis était délivré sur place. Maintenant, tout devra être fait depuis le Mexique, ce qui ajoute des délais.»

Dorénavant, les travailleurs mexicains seront obligés de faire leur demande pour un permis de travail depuis leur pays d’origine — ce qui peut prendre au bas mot 10 semaines à l’heure actuelle, précise Camila Velasquez —, mais pas avant d’avoir fait les tests biométriques.

Le hic, c’est qu’il est impossible d’obtenir des rendez-vous avant le mois d’avril, ont dénoncé des avocats présents lors d’une rencontre d’information organisée le 8 mars 2024 à laquelle Camila Velasquez a assisté. «Ça aussi, ça ralenti le processus», dit celle qui doute que les autorités mexicaines parviennent réellement à accélérer les démarches.

Demande préapprouvée en main, ils pourront obtenir leur visa qui leur permettra de prendre l’avion vers le Canada.

«Pour les travailleurs saisonniers, ça pose problème», indique l’avocate en droit de l’immigration.

 

Une situation qui pourrait se corser

Une quinzaine d’autres pays se sont déjà vu imposer des mesures similaires à celles que le Canada vient d’adopter envers le Mexique.

Lorsque les relations se sont tendues avec l’Inde, pendant la pandémie, «ça a eu un impact réel sur les demandes de permis de travail des ressortissants indiens en matière de délais et d’approbation. Des demandes qui prenaient auparavant un ou deux mois en prennent maintenant de quatre à cinq. Des types de demandes qui n’étaient jamais refusées avant le sont devenues avant d’être acceptées, car les motifs n’étaient pas valides», rappelle-t-il.

Il garde aussi un œil sur les conséquences diplomatiques que cette modification pourrait avoir, notamment sur le Programme des travailleurs agricoles saisonniers qui repose «sur une collaboration bilatérale entre les pays.» Celui-ci pourrait souffrir des représailles, ce qui serait une bien mauvaise nouvelle pour les entreprises canadiennes.

«J’avais des clients qui recrutaient au Mexique parce qu’ils avaient des besoins rapides. Là on s’attend à ce que ce soit un à deux mois de plus pour les avoir. Ils doivent revoir leur stratégie d’embauche.»

 

Télétravailler ou ne pas télétravailler, telle est la question qui cause des émois dans bien des entreprises.

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