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Les PME doivent accélérer leur virage vert

Emmanuel Martinez|Édition de février 2022

Les PME doivent accélérer leur virage vert

Le professeur en management François Labelle (Photo: courtoisie)

Les PME québécoises font piètre figure en matière de développement durable, selon une étude de l’Institut de recherche sur les PME de l’Université du Québec à Trois-Rivières, obtenue par Les Affaires. Menée par le professeur en management François Labelle, cette recherche montre que les entreprises de moins de 250 employés tardent à mettre sur pied des pratiques environnementales.

«Ce n’est pas encore très structuré comme démarche dans la majorité des PME, explique-t-il en entrevue téléphonique. L’engagement est limité même si ces pratiques sont assez de base. Il y a vraiment place à l’amélioration.»Le scientifique est arrivé à ces conclusions après avoir interrogé 409 PME de décembre 2019 à février 2020. Il a constaté que la moyenne n’est que de 2,3 sur 5 en s’appuyant sur 14 indicateurs.

Le bât blesse particulièrement en ce qui concerne la sous-catégorie des pratiques liées à l’économie circulaire, comme la gestion des déchets et la réduction des matières premières par unité de fabrication ou de vente. Le score moyen n’est que de 1,95 sur 5. «On a très peu de réflexes pour valoriser des externalités négatives, comme les déchets ou les produits en fin de vie, déplore le professeur. Une grande faiblesse, c’est qu’on n’a pas mis en place des mécanismes de mesure. Et quand on ne mesure pas, on ne gère pas.»

 

Mieux du côté des RH

Les résultats sont toutefois meilleurs dans les deux autres sous-catégories de développement durable, soit celles concernant l’implication des PME dans la collectivité (moyenne de 2,91 sur 5) et la gestion du personnel (3,31 sur 5).

«Depuis plus de 50 ans, les entreprises ont été sensibilisées à l’importance de traiter leurs employés de manière à ce que ces derniers soient motivés, mobilisés, explique le document. Ainsi, les questions liées à l’impact de la gestion des PME sur leurs employés sont connues et admises depuis longtemps, ce qui n’est pas le cas de l’influence des PME sur la vitalité des communautés avoisinantes et encore moins sur leur incidence environnementale.»

 

Les jeunes ne font pas mieux

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les entreprises ayant des personnes plus jeunes aux commandes ne sont pas plus responsables que celles menées par des gens plus âgés. Le niveau d’éducation n’est pas non plus un facteur. Toutefois, les PME dirigées par des gens qui tendent davantage vers des valeurs de dépassement de soi, comme l’altruisme, performent mieux que celles ayant à leur tête quelqu’un plus marqué par l’hédonisme et l’égoïsme.

Le secteur d’activité ne semble pas avoir d’influence. Ni non plus si l’entreprise est située en ville ou en milieu rural.

Toutefois, la taille des PME constitue une variable importante pour expliquer l’engagement envers le développement durable. Les plus grandes excellent davantage que les plus petites.

 

Les réseaux font la différence

Un des facteurs surprenants pour expliquer l’enthousiasme de certaines PME à adopter des pratiques environnementales est l’appartenance à un réseau.

«Les réseaux sont de bons leviers d’émulation et de partage des connaissances, explique le professeur de l’UQTR. On se rend compte que les PME qui gravitent beaucoup dans des réseaux où il est question de développement durable sont en avance sur les autres. C’est un lieu d’apprentissage.»

Pour l’État, l’épanouissement de ces réseaux représente une piste de solution pour amener les entreprises à en faire davantage, selon lui.

«Encourager des réseaux est une excellente façon d’éduquer et de sensibiliser, dit-il. Cela constituerait une bonne politique publique.»Cela est d’autant plus crucial si l’on considère les répercussions qu’ont les PME sur notre environnement. «Chacune n’a pas beaucoup d’incidence, mais quand on les met ensemble, c’est énorme, déclare François Labelle. C’est aussi significatif que les impacts des grandes entreprises.»

Et il insiste pour dire que les PME ont intérêt à s’engager plus à fond dans le développement durable. «Les études montrent qu’elles ont des retombées supérieures en matière de profit, d’image, de motivation des employés, en plus de se distinguer de leurs concurrents et d’abaisser leurs coûts. Les PME qui l’intègrent dans leur stratégie ont un rendement de leur investissement, même si ce n’est pas nécessairement le but de base.»

Par conséquent, il estime qu’elles doivent arrêter de retarder leur virage vert. «Elles ont l’impression que c’est marginal, qu’elles n’ont pas le temps, que cela ne fait pas partie de leur business. Pourtant, ce l’est. Et cela deviendra bientôt obligatoire, que ce soit en raison de nouvelles lois, des exigences des donneurs d’ordre ou des préférences des consommateurs. Donc, vaut mieux commencer maintenant que trop tard.»

 

Une boussole pour en savoir plus

Votre PME est-elle traditionaliste, militante, réactive ou stratégique en matière de pratiques environnementales et sociales ? La Boussole TD de la durabilité pour les PME est un jeu-questionnaire développé par François Labelle qui s’adresse aux dirigeants de PME. Elle permet de découvrir lesquelles de vos pratiques contribuent au développement durable et où se situe votre PME par rapport à d’autres dans ce domaine. Pour l’essayer:www.vigiepme.ca

François Labelle, professeur en management, Université du Québec à Trois-Rivières «Les PME qui gravitent beaucoup dans des réseaux où il est question de développement durable sont en avance sur les autres. C’est un lieu d’apprentissage.»