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Revitaliser une identité sans perdre en notoriété

Catherine Charron|Édition de la mi‑mai 2022

Revitaliser une identité sans perdre en notoriété

«Quand les consommateurs y sont habitués, le reconnaissent, l’apprécient, on peut avoir des retours négatifs, surtout sur les réseaux sociaux, fait remarquer Julie Royer, chargée de cours en design graphique de l’Université Laval. Le changement pour le changement est à éviter.» (Photo: courtoisie)

Si revamper son identité visuelle peut parfois être essentiel pour une marque, une telle métamorphose ne doit pas être prise à la légère.

Celle-ci peut nuire — du moins temporairement — à sa notoriété, comme l’a récemment démontré la chute vertigineuse de Lactalis Canada dans le palmarès de l’étude « Réputation », de Léger, qui a remplacé la bannière pourtant mieux établie au pays, Parmalat Canada, en 2021.

Pour se retrouver sur les premières marches du podium, une société doit non seulement être connue, mais aussi éviter de s’attirer des détracteurs.

En modifiant une image de marque, on « augmente le nombre de personnes qui ne connaissent pas assez [une entreprise] pour avoir une opinion [à son égard], indique Éric Chalifoux, directeur de recherche sénior et responsable de la 25e édition de « Réputation ». C’est sûr que, globalement, ça affecte la notoriété, et c’est le bassin de notoriété qui fait qu’on a un plus grand ou un plus petit nombre de bonnes opinions ».

Martin Laliberté, designer graphique agréé et associé de la boîte montréalaise byHaus, rappelle que l’effet d’une revitalisation identitaire sur la notoriété d’une bannière varie en fonction de la profondeur de la transformation apportée.

« Dans certains cas, lorsqu’un changement radical est nécessaire, c’est parce que l’on souhaite justement se détacher de certains aspects de notre réputation devenus gênants ou caducs avec le temps », souligne-t-il.

 

Une transformation justifiée

L’un des piliers d’une évolution réussie, c’est donc la raison pour laquelle une entreprise décide d’entamer cette démarche.

« En bref, une revitalisation identitaire est nécessaire lorsqu’une organisation traverse un bouleversement (peu importe sa nature et sa provenance) et qu’elle souhaite transformer ce bouleversement en occasion favorable », résume Martin Laliberté.

Ainsi, la croyance populaire voulant qu’une image de marque devrait être révisée tous les 7 à 10 ans serait erronée selon les experts sondés, si elle n’est pas justifiée par un changement de secteur d’activité, la conquête d’un nouveau marché, une fusion, ou l’évolution du contexte social, notamment.

« Quand les consommateurs y sont habitués, le reconnaissent, l’apprécient, on peut avoir des retours négatifs, surtout sur les réseaux sociaux, fait remarquer Julie Royer, chargée de cours en design graphique de l’Université Laval. Le changement pour le changement est à éviter. »

 

Un déploiement méticuleux

Celle qui enseigne aussi au cégep Marie-Victorin remarque que c’est dans le déploiement d’une identité visuelle inédite que le mécanisme coince bien souvent. « Il faut expliquer pourquoi, ne pas juste tout changer du jour au lendemain. […] J’ai vu beaucoup d’entreprises d’abord modifier le logo sur leur site ou leurs réseaux, puis subir le déchaînement des gens sur le Web ».

Afin d’éviter un tel raz-de-marée, elle recommande de préparer le terrain et d’annoncer le changement par ses canaux de communication avec sa clientèle ou les plus traditionnels, comme la publicité télévisuelle. Les moyens utilisés dépendront du contexte et du public visé.

Dans ces échanges, l’organisation peut y expliquer la raison et la démarche derrière cette transition, ce qui en facilitera la compréhension.

« Du jour au lendemain, les clients ne reçoivent pas une infolettre d’une compagnie qu’ils ne connaissent pas, ou ne se retrouvent pas confrontés à un site web où tout est changé », illustre-t-elle.

Une entreprise peut même impliquer ses employés ou ses consommateurs dans la revitalisation de son identité visuelle, ce qui permet à la fois d’introduire cette métamorphose imminente et de mettre la main sur des « des données qualitatives », suggère Martin Laliberté.

« Cela dit, actualiser sa marque signifie faire le deuil de ce qu’elle était. Il faut juste garder en tête que les gens sont naturellement résistants au changement et, dans certaines situations, cela peut devenir émotif. »

Christian Bourque, vice-président exécutif chez Léger, abonde dans le même sens. « Avec tout ce qu’on voit dans une journée ordinaire, on est exposé à des centaines de marques. Je pense que les consommateurs vivent mal le changement de toute façon, il doit se réhabituer. »

Une telle transition peut durer entre trois et cinq ans, estime-t-il, selon la taille et la notoriété de l’entreprise. « Ça fait deux ans que La Capitale et SSQ Assurances associent leur nom à Beneva. Ils y vont graduellement. […] Prendre son temps est peut-être la seule garantie du succès, mais ça coûte cher. » Les risques de pertes de marché sont toutefois bien réels.

Julie Royer et Martin Laliberté recommandent tous les deux d’être accompagnés par des spécialistes. « Ce n’est pas chose simple d’y arriver seul. Puis, piégées dans leurs habitudes, les entreprises n’ont pas toujours le recul nécessaire », prévient l’associé de byHaus.