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Cryptomonnaie: que de bonnes résolutions pour 2023

François Remy|Publié le 03 janvier 2023

Cryptomonnaie: que de bonnes résolutions pour 2023

S’il ne faut pas chanter obstinément les louanges des cryptomonnaies quand les cours s’envolent et y investir aveuglément, il ne faut pas prononcer prématurément la mort des cryptomonnaies quand les prix tombent au plancher sans biopsier les technologies. (Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

Si l’adoption des monnaies numériques, des NFT et des DAO progresse lentement, la faute n’est pas à rejeter seulement sur l’échec de Terra/Luna, l’effondrement de Celsius ou encore la faillite frauduleuse de FTX. Il faut voir au-delà des événements les plus médiatisés et qui ont fait de 2022 l’année rimant avec «le pire des marchés baissiers dans la crypto». À l’aube d’un nouveau calendrier, mieux vaut tirer les enseignements qui s’imposent pour enfin dépasser de stériles préjugés et ne plus laisser survenir les mêmes erreurs du passé.

Éprouvante année. Les plus enthousiastes, à l’égard du pouvoir de transformation numérique des cryptos, ont vu leurs convictions sacrément bousculées en 2022. Tout le potentiel d’amélioration d’un système financier mondial sclérosé, intermédié à l’excès, voire excluant, a été éclipsé par une succession de chocs majeurs sur le marché du bitcoin. Le prix du BTC a perdu deux tiers de sa valeur et la capitalisation totale des actifs numériques a subi le même sort, perdant plus de 1400 milliards de dollars de valeur en un an.

À (re)lire: Retour sur l’info techno de 2022

Pourtant, loin du tumulte des cours, les chaînes de blocs publiques telles que Bitcoin, Ethereum et les autres réseaux décentralisés ont continué de fonctionner sans que la spéculation, les piratages ou les escroqueries gangrénant des acteurs centralisés n’interfèrent avec les protocoles. Ni l’autonomie des «smart contracts» (ou contrats intelligents, en français) les mieux programmés ni la fiabilité de la cryptographie n’a été remise en cause. Mais la réussite des applications technologiques ne survient pas sans intervention humaine, elle se mesure d’ailleurs à l’aune de l’expérience qualitative que les utilisateurs en ont.

 

Qui trop embrasse, mal étreint

N’oublions pas que le marché des cryptos avait piqué du nez dès les premiers mois de 2022. Non pas pour une sombre histoire de gestion financière calamiteuse par le chef d’une société spécialisée en actifs numériques très en vue, entraînant une crise de liquidités contagieuse. Mais plutôt parce que le changement de stratégie monétaire de la Banque centrale des États-Unis a asséché les injections de capitaux frais dans les classes d’actifs aussi rémunérateurs que risqués.

Même si la valeur sous-jacente est le réseau informatique décentralisé le plus sécurisé au monde, le concept du bitcoin a été usurpé par de nouveaux intermédiaires financiers, des plateformes de «trading» aux prêteurs crypto.

Ces derniers ont créé autour de la cryptomonnaie des constellations de créanciers et de débiteurs interdépendants dans un univers factice où la croissance économique et les rendements semblaient infinis. Avant d’être douloureusement ramenés à la réalité par une sorte de loi de la gravité financière, ces acteurs crypto tombant comme des dominos.

Là encore, ne prêchons pas par un solutionnisme technologique en estimant que la finance décentralisée, la fameuse DeFi, la vraie, soit décentralisée, automatisée et «blockchainisée», constituerait un remède à tous les maux de la crypto.

La DeFi a elle aussi brillé par l’éclat de ses vulnérabilités, entre les milliards de dollars perdus dans les failles de sécurité des contrats dits intelligents, les bogues fragilisant les passerelles entre chaînes de blocs, les arnaques éhontées bâties sur des pistes d’innovations prometteuses…

Les technologies popularisées par le bitcoin, qui les amalgame efficacement, requièrent plus d’attention, de compréhension, de standards, d’audits et d’investissements. Il semble urgent de dépasser les querelles idéologiques et joutes argumentatives pour tirer les bénéfices sociétaux de ces outils.

 

Ne pas confondre météo et climat, bruit et signal, etc.

Lors d’un échange tout récent sur Facebook, un internaute a réagi à l’un de mes commentaires sur le fonctionnement irréprochable du réseau Bitcoin en 2022, suivant sans discontinuer les règles édictées par un certain Nakamoto en 2008. «Résumons: le mécanisme de l’horloge tourne parfaitement, mais l’heure n’est pas juste et personne ne sait comment la régler», a-t-il répliqué.

Concédons qu’il s’agit d’une analogie très ponctuelle. Cela étant dit, pour remettre les pendules à l’heure, il paraît plus juste que les rouages de l’horlogerie Bitcoin tournent parfaitement jusqu’à présent, mais qu’on préfère demander l’heure à des personnes ne parvenant pas à la lire (j’avoue moi-même toujours chercher à la déchiffrer totalement).

C’est que le grand public baigne dans le bruit médiatique autour du prix et de la spéculation. Cela donne une importance disproportionnée à une entente à la marge entre acheteurs et vendeurs, sur une très courte période. Cela ne raconte pas toute l’histoire en termes de progrès technique, d’indépendance financière ou d’adoption.

Peut-être est-ce ce bruit assourdissant qui nous distrait et nous empêche d’utiliser les nouveaux outils de la crypto à bon escient? Peut-être est-ce l’interférence que génère les médias et les politiques anti-crypto en se concentrant sur le flagrant détail plutôt que les fondamentaux qui nous déroute? Peut-être est-ce la raison qui conduit certains à comparer le bitcoin à une machine de Rube Goldberg inutile pour la société et n’amusant que celui qui l’actionne?

Une machine de Goldberg qui a accessoirement permis le transfert de quelque 42 000 milliards de dollars de pair-à-pair, sans friction, sans délai et sans frontière.

S’il ne faut pas chanter obstinément les louanges des cryptomonnaies quand les cours s’envolent et y investir aveuglément, il ne faut pas prononcer prématurément la mort des cryptomonnaies quand les prix tombent au plancher sans biopsier les technologies.

 

Retour aux sources: développeurs et adopteurs

L’industrie de la cryptomonnaie a démontré la difficulté des acteurs à absorber des capitaux de manière responsable. Gageons que ceux par qui la cryptomonnaie existe et se développe seront encouragés en 2023 à mettre au point des interfaces ergonomiques, porter des cas d’usage répondant à des besoins réels encore insatisfaits.

Cela signifierait entre autres, moins de spéculation sur de nouveaux jetons (et autres «shitcoins») et plus d’attention portée aux services. Des services en cryptomonnaie qui se déploieraient sur des chaînes de blocs, car ils nécessitent véritablement ses avantages (fluidité transfrontalière, non censurabilitée, gouvernance décentralisée).

De retour d’une conférence sur le bitcoin au Ghana, Alex Gladstein, directeur de la stratégie de Human Rights Foundation, a dernièrement confié à CoinDesk être «stupéfait par le nombre d’entrepreneurs et de leaders du bitcoin provenant de tant de pays différents.» Il a rencontré des personnes venant de zones rurales du Cameroun, du Congo, de Somalie, de zones de conflit. Fort de ces découvertes, Alex Gladstein pressent que l’adoption mondiale sera probablement «l’histoire numéro un» pour cette année.

Voilà en tout cas un lot de bonnes résolutions. Des chèques tirés sur une banque où l’on n’a pas de compte courant, comme disait l’illustre Oscar Wilde. Les 362 prochains jours nous le démontreront.