Sam Bankman-Fried a présenté ses excuses, reconnaissant avoir «pris une série de mauvaises décisions». (Photo: Getty Images)
Sam Bankman-Fried, superstar déchue des cryptomonnaies, a été condamné jeudi à 25 ans de prison pour l’une des pires fraudes financières de l’histoire récente, après que le juge a considéré notamment qu’il avait commis plusieurs parjures à la barre.
Il avait déjà été reconnu coupable par un jury en novembre des sept chefs d’accusation retenus contre lui lors d’un procès à l’issue duquel le procureur de New York, Damian Williams, avait réclamé entre quarante et cinquante ans de réclusion.
Lors de l’audience devant un tribunal de New York jeudi, le juge fédéral Lewis Kaplan n’a pas mâché ses mots, relevant que le jeune homme n’avait «jamais eu un mot de remords pour avoir commis un crime terrible».
Il a affirmé, exemples à l’appui, que «SBF» — son surnom — avait commis au moins trois parjures lorsqu’il avait témoigné pendant son procès, ainsi qu’une subornation de témoin.
De son côté, le trentenaire — qui a l’intention de faire appel — a présenté ses excuses, reconnaissant avoir «pris une série de mauvaises décisions».
«Beaucoup de personnes ont l’impression qu’on les a laissées tomber, et on les a laissées tomber, j’en suis désolé», a déclaré Sam Bankman-Fried. «Je suis désolé de ce qu’il s’est passé à tous les niveaux».
Apprenti sorcier
«SBF» a utilisé, sans leur accord, les avoirs des clients de sa plateforme d’échanges de devises numériques FTX, pour effectuer des transactions à risque via sa société sœur Alameda, pour acheter des biens immobiliers ou pour faire des donations politiques.
Soumise à des demandes massives de retraits venues de clients paniqués, FTX a implosé en novembre 2022. Au moment de son dépôt de bilan, environ 9 milliards de dollars américains (G$US) manquaient à l’appel.
En quelques heures, l’image du petit génie fantasque, à la chevelure fournie et aux perpétuels short et T-shirt, s’est effondrée, pour laisser place à celle d’un apprenti sorcier, adepte de paris insensés.
Les liquidateurs du groupe ont déjà récupéré environ 6,4 G$US en numéraire et prévoient de rembourser intégralement les clients lésés.
Ils profitent notamment de l’appréciation brutale des cryptomonnaies, qui se sont remises après un millésime 2022 catastrophique marqué par plusieurs faillites et ponctué par le scandale FTX.
«Mégalomanie pernicieuse»
Face à la menace d’une très lourde peine, les avocats de Sam Bankman-Fried, qui vient de fêter ses 32 ans, avaient cherché à dépeindre un «SBF» plus humain que le manipulateur décrit lors de son procès.
«Ceux qui connaissent Sam savent qu’il est désintéressé, altruiste», avaient écrit ses conseils dans un document soumis au juge Kaplan avant l’audience, accompagné de dizaines de lettres de soutien de proches.
Les personnes qui l’ont côtoyé «comprennent que sa conduite n’a “jamais été motivée par la cupidité ou la soif de prestige”», appuyaient-ils, citant un des témoignages à l’appui de leur demande.
Le fait est que l’ancien élève du Massachusetts Institute of Technology (MIT) n’a jamais été mis en cause pour enrichissement personnel et a conservé, jusqu’au bout, l’essentiel de sa fortune en actions FTX, dont la valeur s’est évaporée.
Lors de son procès, qui aura duré cinq semaines, les avocats de «SBF» l’avaient présenté comme un jeune chef d’entreprise dépassé par sa charge de travail et victime des erreurs de jugement de ses associés et employés.
Pour obtenir la clémence du magistrat fédéral, ils avaient aussi mentionné le fait que cet ancien trader présentait des troubles du spectre de l’autisme, ce qui le rend, selon eux, «vulnérable au sein d’une population carcérale».
Forts de ces éléments, les avocats avaient suggéré une peine comprise entre un peu plus de cinq ans et six ans et demi de prison.
Lors du procès, la défense de Sam Bankman-Fried avait été fragilisée par les témoignages de trois anciens cadres de FTX et d’Alameda, dont son ancienne petite amie, qui avaient tous mis en évidence, de façon détaillée, le rôle moteur de l’accusé dans la fraude.
«Il comprenait les règles, mais a décidé qu’elles ne lui étaient pas applicables», avait insisté le bureau du procureur dans un document transmis au juge, évoquant une «mégalomanie pernicieuse» et «un complexe de supériorité».