(Illustration: Camille Charbonneau)
LES CLÉS DE LA CRYPTO. Dans un contexte de dégringolade des prix et d’un durcissement croissant de la réglementation des crypto-actifs, la part de la population possédant du BTC a fondu en 2022, selon des données mises à jour par la Banque du Canada.
Fournir aux citoyens une monnaie qu’ils peuvent utiliser en toute confiance constitue l’une des principales missions d’une banque centrale. Alors, forcément, la Banque du Canada se préoccupe de la façon dont les Canadiens recourent aux cryptomonnaies. Si nous en arrivions à les préférer aux bons vieux billets, l’institution monétaire y percevrait l’obligation morale de riposter, en émettant ses propres dollars numériques.
Les banquiers centraux mènent dès lors d’inlassables travaux de recherche parmi lesquels la désormais bien connue enquête omnibus sur le bitcoin (BTCOS), réalisée annuellement depuis 2016. À l’époque, seulement 64% des personnes sondées déclaraient avoir déjà entendu parler de la cryptomonnaie originelle, tandis qu’à peine 2,9% affirmaient en détenir.
Les résultats de ladite enquête, qui montraient depuis trois années que la proportion de la population canadienne possédant des bitcoins stagnait autour de 5%, avaient décrit un net rebond en 2021 à 13%. Cette hausse notable survenait dans les circonstances particulières de la pandémie, relativisait-on à la Banque du Canada, à savoir la hausse généralisée de l’épargne et de la richesse des ménages, mais aussi des progrès en termes d’accessibilité aux investissements crypto avec l’introduction, par des sociétés de technologies financières, de plateformes conviviales pour l’achat de BTC.
Les Canadiens devenus bitcoineurs entre 2020 et 2021 étaient plus susceptibles que les utilisateurs précédents d’être motivés par des raisons de placements financiers, plutôt que des usages liés aux paiements.
Krachs et déclins en 2022
Selon les données récoltées l’année dernière, les économistes de la banque centrale dressent un nouveau bilan à propos de la détention et de l’utilisation des crypto-actifs au Canada. La part de propriétaires de bitcoins a dégringolé à 10% de la population en 2022, notent les rapporteurs, décrivant une dynamique logique avec un nombre d’entrants sur le marché crypto moindre qu’en 2021 (19% vs 24%), combiné à un taux de sortants lui stable (4%).
À titre comparatif, selon les estimations, 10,1% de la population canadienne possédait du BTC en 2022, contre 4% d’ETH, la seconde plus importante cryptomonnaie basée sur la blockchain Ethereum. Tandis que les stablecoins apparaissent marginaux, avec un taux de détention d’environ 1% pour ces actifs tels que Tether ou l’USDC. «Tout cela suggère que le déclin des propriétaires de bitcoin au Canada n’était pas dû à une rotation au profit d’autres crypto-actifs», souligne l’analyse.
Pour mémoire, la conjoncture n’appelait guère à l’optimisme en 2022, le prix du bitcoin s’effondrant de plus de 50% par rapport à son sommet historique en novembre 2021. L’économie canadienne a accusé une flambée historique de l’inflation, inspirant aux banques centrales d’augmenter promptement les taux d’intérêt. Les marchés financiers sont devenus de plus en plus volatils à mesure que les participants digéraient la hausse des taux, ce qui a réduit l’appétit des investisseurs pour les actifs risqués. «De plus, les organismes de réglementation des valeurs mobilières des États-Unis et du Canada ont accru leur surveillance des marchés des crypto-actifs au moment même où FTX, l’une des plus importantes bourses de cryptomonnaies, s’est effondré en novembre 2022», relatent les analystes de la Banque du Canada.
Distribution variable
D’un point de vue démographique, le taux de détention demeure le plus élevé parmi les hommes, âgés de 18 à 34 ans, qui ont reçu une formation universitaire et dont le revenu du ménage dépasse les 70 000$. Néanmoins, il convient d’épingler certaines spécificités importantes. Alors que la part de bitcoineurs ressortait à peu près égale parmi les répondants ayant une littératie financière faible ou élevée, certains détenteurs de bitcoins à la littératie élevée semblent avoir abandonné le marché crypto en 2022. Sorte de dommage collatéral à l’effondrement de FTX, estime le rapport.
Autre incongruité, livrée sans explication cette fois, les sondés déclarant des revenus annuels inférieurs à 30 000$ présentaient un plus grand taux de détention en 2022.
D’un point de vue géographique, mention spéciale pour notre province puisque la population québécoise affiche 14,1% de détenteurs de bitcoins en 2022 (contre 11,6% en 2021). C’est la seule région où les statistiques vont à contre-courant de la tendance baissière.
Le Québec prend ainsi la tête du classement virtuel, grillant la politesse à la Colombie-Britannique où le taux de possession a plongé à 6,5% (contre 19,6% précédemment). La province la plus à l’ouest du pays ressort, de ce fait, bonne dernière en termes d’adoption de la cryptomonnaie. Accusant une baisse plus limitée de ses bitcoineurs, l’Ontario se hisse en deuxième position, avec 10,8% (contre 12,3), suivi par les Prairies (7,6%).