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Petit guide de survie à l’apocalypse des «cookies»

Catherine Charron|Publié le 19 avril 2021

Petit guide de survie à l’apocalypse des «cookies»

Heureusement, il n’est pas trop tard pour vous préparer à cette extinction imminente, confirment des experts.(Photo: Getty Images)

Une petite révolution s’opère en coulisse du marketing numérique. Au rythme des annonces des géants du web, il est bientôt minuit moins une pour les témoins tiers, qui disparaîtront totalement de l’univers Chrome, Safari et Firefox d’ici 2022. Heureusement, il n’est pas trop tard pour vous préparer à cette extinction imminente, confirment deux experts en entrevue avec Les Affaires

Les témoins tiers, ou « third-party cookies » dans la langue de Shakespeare, permettent de recueillir des informations sur le comportement d’un usager qui consulte votre interface web. Contrairement aux témoins de premier niveau, les renseignements colligés n’appartiennent pas à votre propre base donnée, mais plutôt à celle de l’intermédiaire concerné.

Sans ceux-ci, les internautes devraient goûter à nouveau à une certaine sensation de vie privée lorsqu’ils vaqueront à leurs occupations sur le net.

Doit-on le préciser, cette abolition des témoins tiers ne signifie pas pour autant que les informations sur un usager ne seront plus récoltées. C’est plutôt la marche à suivre qui évoluera.

« Ces changements apportés à la gestion des “cookies” servent surtout à protéger les internautes d’une utilisation à mauvais escient de leurs données… mais le secteur du marketing est écorché au passage », indique Nicolas Rabouille, fondateur de l’agence de marketing montréalaise Rablab.

Par exemple, le témoin tiers de Facebook ne pourra plus collecter directement depuis votre site web les renseignements de votre clientèle. Cependant, il lui sera toujours possible de les traiter si vous les téléversez grâce à son nouvel API. « Plutôt que d’être au milieu de la chaîne, il sera à la fin. On pourra donc quand même déterminer si les publicités fonctionnent ou pas en ligne », illustre le spécialiste du marketing.

La disparition des témoins tiers ne rime pas non plus avec la mort de la publicité ciblée, car là où les usagers sont connectés, comme sur Facebook ou Instagram, des témoins de premier niveau continueront de les observer, rappelle la présidente de MixoWeb, Émilie Poirier.

Au cours de cette transition, cependant, la qualité et la précision de l’audience visée par vos campagnes publicitaires seront affectées. « Les internautes ne verront pas moins de publicités, c’est juste qu’elle sera moins ciblée et intéressante pour eux », indique la stratège marketing.

 

Le retour aux bases du marketing

Afin de vous adapter à cette nouvelle ère du marketing numérique, en plus de suivre de près les nombreuses modifications qu’apportent régulièrement les géants de la technologie à la gestion de la vie privée, vous devrez commencer à bâtir votre propre base de données.

Si cette pratique était surtout réservée aux grosses pointures du numérique, elle doit aujourd’hui impérativement se démocratiser, estiment les deux experts consultés.

Des solutions moins onéreuses permettent de « prendre les données et d’analyser d’où provient vraiment notre trafic, plutôt que de se fier uniquement aux dispositifs de conversion de Facebook et Google », explique Nicolas Rabouille, qui observe déjà qu’il devient plus difficile d’attribuer un dollar de publicité à un dollar de vente.

En ayant vos propres données en main, vous pourrez ainsi visualiser ce qui se passe réellement sur vos infrastructures numériques, grâce « aux bonnes vieilles techniques marketing ». C’est en se basant sur vos résultats financiers, et non plus qu’aux outils gratuits de Facebook et Google, que vous pourrez déterminer si vos publicités fonctionnent ou non.

Émilie Poirier abonde dans le même sens : « Les entreprises se fiaient sur les gros joueurs de ce monde pour identifier leur public cible. Elles sont maintenant obligées de réfléchir à qui est leur persona, où est-il sur le web, et à comment lui présenter leurs communications ».

Selon elle, les PME devraient en profiter pour diversifier les manières de rejoindre leur clientèle, en faisant de la publicité sur des sites plus nichés, ou en misant davantage sur les courriels qui permettent du même coup de se bâtir une base de données. Émilie Poirier suggère aussi de travailler à mieux référencer les sites web de manière organique. « Au bout du compte, cela leur coûtera peut-être moins cher pour avoir de la publicité tout autant sinon plus ciblée qu’avant », anticipe la stratège.

C’est pourquoi, selon elle, les entreprises qui utilisent des CRM, ces logiciels de gestion de la relation client, seront avantagées lorsque les témoins tiers disparaîtront, car elles analysent déjà le comportement de leurs clients grâce aux témoins de premier niveau.

Cela ne signifie pas pour autant qu’il faille cesser de recourir à Google Analytics, ou à l’outil Pixel de Facebook. « C’est plutôt d’avoir un deuxième regard sur la situation et même des données plus complètes », assure Nicolas Rabouille.

Bien que la situation ne soit pas encore critique, les entreprises devraient déjà avoir observé une baisse de performance de leurs publicités si elles ne se fient qu’à ces derniers outils.

 

Le cas Facebook

Le réseau social est la plateforme qui se serait le plus rapidement adaptée à ces nouvelles mesures qui allègent la surveillance des internautes. C’est pourquoi, si l’essentiel de vos campagnes publicitaires est réalisé sur cette plateforme, vous devriez déjà avoir observé que vos publicités semblent moins rapporter qu’auparavant.

C’est qu’un autre phénomène affecte la performance de vos publicités sur Facebook. Les modalités des conversions ont changé. « Si par le passé, une personne pouvait avoir vu une publicité sur Facebook, et avoir acheté le produit trente jours plus tard, Facebook s’attribuait la vente. Maintenant, cette transaction doit se faire dans la même journée pour qu’elle lui soit attribuée », explique le fondateur de Rablab. Même chose du côté des clics: une vente sera attribuée à une publicité sur Facebook si l’internaute a cliqué dessus dans les sept jours précédents la transaction.

Cet ajustement affectera d’autant plus les publicités des articles chers, comme un matelas notamment, car le client prend plus de temps pour prendre une décision.

« Les performances globales rapportées par Facebook vont diminuer normalement, mais ça ne veut pas dire que les ventes totales du commerce en ligne vont baisser. Une PME devra se casser la tête à comprendre le parcours du consommateur et l’attribution, afin de monter ses campagnes publicitaires en conséquence », indique Nicolas Rabouille.