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New York — Milliardaire avant 30 ans, petit génie à l’allure fantasque, Sam Bankman-Fried avait conquis le monde des cryptomonnaies en quelques mois, mais au prix de risques insensés qui vont le mener en prison, où il pourrait rester de nombreuses années.
Accusé notamment de fraude, association de malfaiteurs et blanchiment d’argent, le jeune trentenaire a été reconnu coupable de tous les chefs d’accusation jeudi à New York, après un procès retentissant.
En quelques mois seulement, ce diplômé de physique du prestigieux Massachusetts Institute of Technology a fait d’une petite start-up, lancée en 2019, la deuxième plateforme mondiale d’échanges de cryptomonnaies.
Il s’élève rapidement au-dessus de sa condition de jeune patron, bien décidé à jouer un rôle d’ambassadeur des cryptos, auprès des médias comme au Congrès où il fait sa première apparition en décembre 2021, lors d’une audition sur le secteur.
Le public découvre un personnage atypique, à l’abondante chevelure bouclée et au visage rond, qui, quand il n’est pas en costume dans les allées du Congrès, porte t-shirt et bermuda.
«SBF» séduit les élus américains par son langage clair et sa vision de l’avenir des cryptomonnaies, incluant un cadre réglementaire extensif, alors que beaucoup, dans le milieu, y sont opposés.
Il multiplie les nouveaux projets, dont certains empiètent directement sur les plates-bandes des Bourses américaines.
Actionnaire majoritaire de son groupe, le Californien d’origine est à la tête d’une fortune estimée à son pic à 26 milliards de dollars. «Seul Zuck (Mark Zuckerberg) est devenu si riche, si jeune», titre le magazine Forbes en octobre 2021.
Ce fils de deux universitaires de Stanford s’aventure bien au-delà de l’univers crypto, effectue des dons à des candidats politiques américains et convainc des célébrités comme la légende du football américain Tom Brady, de vanter les mérites de FTX, contre forte rémunération.
Selon la chaîne CNBC, «SBF» fait même signer un contrat à Taylor Swift, avant de renoncer finalement au partenariat.
Ce végane prône le concept de l’altruisme efficace, qui consiste notamment à donner tout ou partie de sa fortune à des œuvres.
Lorsque la tempête se lève sur les cryptomonnaies, au printemps 2022, il se pose en élément stabilisateur, rachetant la plateforme en difficulté BlockFi ou les actifs d’un autre acteur en faillite, Voyager.
«Nous prenons au sérieux notre devoir de protéger l’écosystème des actifs numériques et ses clients», tweete alors Sam Bankman-Fried, que certains comparent déjà alors au pape du capitalisme américain Warren Buffett, alors qu’il vient à peine d’avoir 30 ans.
«Président des États-Unis»
Mais derrière cette façade rassurante, le trublion se livre à un numéro d’équilibriste financier et prend des risques colossaux, selon ce que révéleront, plus tard, des documents judiciaires.
Son équipe a utilisé l’argent déposé par les clients sur la plateforme FTX pour alimenter, sans leur consentement, les paris audacieux de sa filiale Alameda, acheter des biens immobiliers ou faire des dons aux politiques.
«Patron de talent», «ambitieux», il «voulait devenir président des États-Unis», a décrit, à son procès, la substitut du procureur Danielle Sassoon, qui menait l’accusation.
Dans sa course, «il a voulu dépenser des milliards tirés des comptes de ses clients pour gagner du pouvoir et des relations», a-t-elle asséné. «Il avait l’arrogance de penser qu’il pouvait commettre une fraude et s’en sortir.»
110 ans de réclusion
Début novembre 2022, le média CoinDesk révèle qu’une part considérable des actifs d’Alameda est constituée d’une cryptomonnaie créée par FTX, le FTT, ce qui provoque l’effondrement de cette devise numérique, et de l’empire de «SBF» avec elle.
Extradé des Bahamas, où était basé FTX, Bankman-Fried, dont la fortune s’est évaporée, est inculpé mi-décembre notamment de fraude et d’association de malfaiteurs.
À l’issue de cinq semaines de procès, «SBF», 31 ans, encourt désormais jusqu’à 110 ans de réclusion criminelle au total. Sa peine doit être prononcée ultérieurement.
Au tribunal, il a tenté de présenter le visage d’un jeune entrepreneur manquant d’expérience, qui a commis de «grosses erreurs», mais a agi de bonne foi.
Pour innocenter l’accusé, «il vous faudrait croire qu’il n’avait rien compris» de ce qu’il se passait au sein de ses propres sociétés, avait lancé au jury un autre substitut du procureur, Nicolas Roos.
«Vous avez suivi tout ce procès et vous savez que rien de tout cela n’est vrai.»