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Un pari crypto à 150M$ perdu pour la Caisse de dépôt?

François Remy|Publié le 13 juin 2022

Un pari crypto à 150M$ perdu pour la Caisse de dépôt?

Ironiquement, à l’époque de l’investissement de la CDPQ, Celsius se trouvait déjà dans la ligne de mire des autorités de marchés du Texas et du New Jersey. (Photo: Getty Images)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

Un accroc dans le bas de laine des Québécois. Croyant saisir une bonne occasion d’investissement il y a quelques mois, la CDPQ avait parié sur le prêteur en cryptomonnaies Celsius Network. Mais aujourd’hui, la solvabilité du partenaire est gravement remise en question.

«Une équipe de direction solide qui place la transparence et la protection de la clientèle au cœur de ses activités», louangeait le premier vice-président à la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) lors de l’annonce de l’investissement dans Celsius Network en octobre dernier. Une plateforme basée sur la technologie des chaînes de blocs offrant un service de rendement composé et des prêts instantanés à faible coût sur cryptomonnaies.

Estimant avoir affaire à une entreprise de calibre mondial, le groupe d’investissement québécois avait injecté 150 millions de dollars américains pour porter la croissance de Celsius appelée, selon les nouveaux partenaires, à demeurer le chef de file du secteur en matière d’innovation et d’acceptation réglementaire.

 

Pari décrié

Ironiquement, à l’époque de l’investissement de la CDPQ, Celsius se trouvait déjà dans la ligne de mire des autorités de marchés du Texas et du New Jersey. Ces dernières alléguaient que les intérêts sous forme de token, le CEL, constituaient une offre de valeur mobilière non enregistrée.

Un mois plus tard, autre ironie du sort, la police israélienne avait arrêté le directeur financier de Celsius dans le cadre d’une affaire externe de fraude et de blanchiment d’argent.

En février dernier, s’inquiétant de ce pari crypto avec de l’argent public, Québec Solidaire avait exhorté le gendarme financier québécois, l’AMF, d’ouvrir une enquête. Entretemps, les responsables de la CDPQ ne manquaient pas d’obliger la distinction entre investissement dans la chaîne de blocs et non pas directement dans la cryptomonnaie.

Sauf que Celsius est en train d’écrire aujourd’hui un nouveau chapitre des manuels d’histoire sur les effondrements au sein de l’écosystème crypto.

 

Mesure responsable… de crise

«En raison des conditions de marché extrêmes, nous annonçons que Celsius suspend tous les retraits, échanges et transferts entre comptes», a informé la plateforme, assurant agir de la sorte pour respecter ses obligations et défendre les intérêts de sa communauté y compris, donc, la Caisse de dépôt.

C’est que l’entreprise doit recouvrer sa liquidité avant de rétablir les transactions «le plus rapidement possible». Rappelant au passage en fin de son blogue, dans une clause de non-responsabilité, qu’il s’agit de déclarations prospectives comportant des incertitudes. Un langage symptomatique de la double crise que traverse Celsius Network, crise de confiance et crise de liquidités. L’une alimentant l’autre, et vice versa.

Fortement affecté par l’effondrement du «stablecoin UST de Terra», cryptomonnaie prétendue stable grâce à laquelle des rendements exubérants étaient possibles, Celsius s’attirait déjà les foudres de la communauté crypto mettant en doute sa solvabilité.

Des mouvements inhabituels de tokens pour une somme de plus de 300 millions $ US, constatés grâce à la chaîne de blocs sur les principaux wallets de Celsius, ont alors avivé les craintes et renforcé le scénario de défaut de paiement. Si l’entreprise bouge autant «en douce», c’est qu’elle rencontre des problèmes de trésorerie, n’a pas tardé à matraquer la cryptosphère sur les réseaux sociaux. Un emballement que la suspension des transactions n’a certainement pas calmé.

 

Effet domino?

La conséquence la moins floue pour l’heure reste la dégringolade du CEL, le token perdant 50% sur 24h pour coter à 21 centimes.

Le malheur des uns faisant parfois le bonheur des autres, le concurrent suisse de Celsius, Nexo, a déjà émis une offre de rachat. Conscient des répercussions pour leurs investisseurs particuliers et la communauté, l’entreprise de Zoug propose d’acquérir en partie ou complètement les actifs financiers, les éléments de la marque et la base de données des clients.

Interrogée par Les Affaires quant aux risques financiers encourus à l’heure où la solvabilité de Celsius pose gravement question, la CDPQ n’a pas encore eu l’opportunité de réagir.