«Amazon, Apple, Facebook et Google sont les gardiens de l'économie en ligne. Ils enterrent ou achètent leurs rivaux», a argumenté l'élu démocrate, David Cicilline. (Photo: Getty images)
«L’Amérique en a assez», a assené le démocrate David Cicilline mercredi, lors de l’examen par une commission parlementaire d’une série de projets de loi qui ouvrent la voie à de potentiels démantèlements de Google, Facebook, Apple et Amazon, les fameuses GAFA.
«L’avenir de notre économie va-t-il être défini par le succès des meilleures entreprises avec les meilleures idées, ou simplement les plus grosses sociétés avec les plus gros budgets de lobbying?», a demandé M. Cicilline, président de la sous-commission sur l’antitrust.
Après des années de réprimandes et chiquenaudes, des élus américains veulent sortir l’artillerie lourde contre les géants de la tech.
Si cette réforme entrait en vigueur, elle serait susceptible de transformer l’internet façonné par ces grandes entreprises, aujourd’hui accusées d’abus de position dominante par de nombreuses autorités.
Les politiques cherchent à empêcher les colosses de la côte Ouest de faire passer leurs produits ou services en priorité, grâce au contrôle qu’ils exercent sur leurs plateformes. Et ils n’auraient plus le droit d’acquérir des concurrents.
«Amazon, Apple, Facebook et Google sont les gardiens de l’économie en ligne. Ils enterrent ou achètent leurs rivaux», a argumenté David Cicilline. Il a notamment cité l’exemple de Facebook, soupçonné d’avoir racheté Instagram parce que l’application risquait de lui faire de l’ombre.
«Ils abusent de leur situation de monopole avec des comportements qui nuisent aux consommateurs, à la compétition, à l’innovation et à notre démocratie», a-t-il martelé.
Une autre des mesures imposerait la «portabilité» des données et l’«interopérabilité» des services. Les utilisateurs de Facebook pourraient alors plus facilement quitter le réseau social, emmenant avec eux leurs contacts et informations personnelles.
Pas si vite
Surtout, ces sociétés n’auraient plus le droit d’opérer des plateformes pour des entreprises tierces tout en proposant des services concurrents.
Un potentiel coup majeur porté à Apple et Amazon, qui se voient reprocher depuis des années d’être à la fois juges et parties respectivement sur l’App Store (magasin d’applications du fabricant de l’iPhone) et le site de vente en ligne.
«Cela aurait des effets négatifs significatifs pour les centaines de milliers de PME américaines qui vendent des produits via notre magasin», a estimé Brian Huseman, un vice-président d’Amazon, dans un communiqué mardi.
Il a aussi évoqué le risque d’augmentation des prix pour les consommateurs en conséquence d’une «baisse de la compétition».
«La commission (judiciaire de la Chambre des représentants) avance trop rapidement, inutilement, sur ces propositions de loi», a-t-il poursuivi, avant d’encourager David Cicilline à «ralentir» pour éviter «les conséquences négatives imprévues».
Après des années d’offensives européennes, Washington est finalement entré dans la danse. Des poursuites ont été lancées ces derniers mois, notamment contre Google et Facebook, pour infraction au droit de la concurrence.
Le président Joe Biden a nommé plusieurs personnalités anti-monopole à des postes majeurs, dont la juriste Lina Khan, récemment confirmée à la tête de l’autorité américaine de la concurrence (FTC), qui recevra des moyens financiers plus conséquents si les nouvelles lois sont votées.
Au Parlement américain, les projets de loi sont aussi soutenus par des républicains, un bon présage pour le vote à la Chambre des représentants. Leur sort au Sénat est moins garanti.
Scalpel ou tronçonneuse
«Cette législation réforme l’antitrust au scalpel, pas à la tronçonneuse», a assuré Kenneth Buck, élu républicain du Colorado, qui a mis en avant les soutiens de droite mercredi. «Le gouvernement tout-puissant a créé les monopoles de la tech par son inaction sur le droit de la concurrence. Il est temps de les reprendre en main».
Pas de quoi inquiéter Wall Street pour l’instant. Selon l’analyste Dan Ives, les investisseurs envisagent cette menace «avec calme», parce que les politiques restent divisés.
En outre, «sans changement fondamental des lois existantes, l’élan antitrust va se briser contre un mur», a-t-il estimé mardi dans une note de son cabinet, Wedbush Securities.
Les détracteurs de ces réformes disent craindre que certains services très populaires ne disparaissent.
«Au moment où les électeurs attendent des élus qu’ils s’occupent des problèmes urgents pour le pays, il semble difficile de croire que le Congrès soit sur le point d’interdire Amazon Prime et Amazon Basics (les abonnements et les produits de la marque, NDLR), d’interdire la pré-installation des (messageries d’Apple) iMessage et FaceTime sur les iPhone et d’interdire à Google d’inclure Google Maps dans ses résultats de recherche», ont écrit lundi 13 organisations professionnelles en partie financées par les GAFA.
«Nous croyons que les électeurs veulent que le Congrès répare ce qui est cassé, plutôt que de casser ou d’interdire ce qui fonctionne bien», ont-elles ajouté.