Au début des années 2010, la situation était si difficile que les principaux actionnaires, dont l'homme d'affaires Carl Icahn, ont décidé de «briser» le conglomérat pour lui donner une nouvelle vocation. (Photo: 123RF)
Motorola inc. est sortie de l’écran radar de plusieurs investisseurs depuis qu’elle a vendu sa division en difficulté Motorola Mobility à Google en 2012. Tel un phoenix, la société, devenue Motorola Solutions (MSI, 162,04 $ US), renaît pourtant de ses cendres. En hausse de 143 % depuis cinq ans, son titre demeure fort populaire auprès des analystes.
Fondée officiellement en 2011, Motorola Solutions a, en fait, succédé à l’ancien conglomérat Motorola inc., qui a été présent tout au long de son histoire dans une foule de secteurs, allant des semi-conducteurs à l’automobile en passant par la défense.
Aujourd’hui, Motorola Solutions est un fournisseur d’infrastructures de communication, de périphériques, d’accessoires, de logiciels et de service. Elle dessert le secteur public (les services d’urgence 911, par exemple), mais aussi de plus en plus d’entreprises privées qui veulent protéger leurs actifs.
La multinationale, qui réalise les deux tiers de ses ventes aux États-Unis, affiche de bonnes performances boursières et financières. Le titre a gagné près de 40 % depuis le début de l’année. Sa valeur a été multipliée par dix depuis le creux de janvier 2009 (Motorola inc. à l’époque).
Malgré cette appréciation fulgurante, 10 des 13 analystes qui suivent l’entreprise recommandent encore d’acheter le titre. Deux proposent de le garder, tandis qu’un seul suggère de le vendre. Le consensus estime que le titre peut encore s’apprécier de 11,1 % d’ici un an, à 180,53 $ US.
L’action s’échange actuellement à un multiple de 18,5 fois les bénéfices prévus dans 12 mois. Il s’agit toutefois d’un multiple inférieur à celui des secteurs des technologies de l’information (20,1) et des logiciels (23,5) de l’indice du S&P 500, selon une analyse de la firme Yardeni Research.
Par ailleurs, Motorola affiche une croissance constante de ses revenus depuis 2015, qui s’élèvent à 7,765 milliards de dollars américains (10,21 G$ CA), selon Reuters. Les résultats du troisième trimestre confirment sa bonne santé financière. En progression constante depuis 2015, ses revenus ont augmenté de 7,1 % au troisième trimestre par rapport à l’an dernier. Le bénéfice ajusté par action, pour sa part, a progressé de 5,3 % tandis que la marge brute s’élève à 50,8 %, une amélioration de 15,5 points de base.
La décision qui a transformé Motorola
La situation actuelle de Motorola Solutions représente tout un contraste par rapport aux années 2000, alors que l’ancien conglomérat Motorola inc. fabriquait encore des téléphones cellulaires.
Après l’éclatement de la bulle techno en 2000, l’action de Motorola a dégringolé de 83 %. Quelques années plus tard, l’entreprise a commencé à pâtir de l’arrivée de nouveaux concurrents dans la téléphonie mobile, comme Apple et Samsung.
«Motorola, l’entreprise qui a inventé le téléphone cellulaire, commençait vraiment à perdre des parts de marché de manière assez critique», explique en entrevue Jean-Pierre Chevalier, gestionnaire de portefeuille, actions américaines chez Industrielle Alliance Gestion de placements.
Au début des années 2010, la situation était si difficile que les principaux actionnaires, dont l’homme d’affaires Carl Icahn, ont décidé de «briser» le conglomérat pour lui donner une nouvelle vocation, explique M. Chevalier.
Cette restructuration a mené à la vente de la division Motorola Mobility à Google en 2012, ce qui a permis au géant du Web de développer le téléphone cellulaire Pixel.
Trois segments de marchés complémentaires
Depuis 2011, Motorola Solutions a centré ses activités sur les infrastructures qui assurent les missions dites critiques, comme les communications radio des corps policiers. La société fabrique notamment les consoles qui permettent de gérer leurs communications internes. Motorola Solutions détient 40 % du marché mondial dans ce secteur.
Depuis quelques années, elle a développé un autre segment prometteur, soit les logiciels qui permettent d’utiliser ses équipements (15 % du marché mondial). «Cette stratégie lui permet de faire des ventes croisées», explique M. Chevalier.
Motorola Solutions a fait des acquisitions stratégiques pour développer son expertise dans les logiciels. Elle en a fait aussi pour entrer dans un autre marché, la vidéo analytique, en mettant la main sur la canadienne Avigilon, en 2018.
Il y a toutefois des pour et des contre à soupeser pour les investisseurs, selon une analyse de Seth Sherwood, chez Morning Star.
Parmi les facteurs positifs, il souligne la nature stratégique des produits de Motorola pour les services critiques qui les rendent essentiels, de même que les investissements de l’entreprise dans les logiciels qui aideront à générer des revenus et des marges d’exploitation plus importants. Les acquisitions lui permettront aussi d’accroître ses ventes dans le secteur privé.
Quant aux sources d’inquiétudes, l’analyste souligne les équipements de ligne optique qui pourraient rendre désuète la technologie de Motorola, sans parler de l’endettement croissant de la société en raison des acquisitions et de la sous-capitalisation de son régime de retraite qui pourraient lui nuire en cas de ralentissement économique.