Logo - Les Affaires
Logo - Les Affaires

«On reprend notre place dans le marché» – Patrick Bui, de Transat

Dominique Talbot|Publié le 14 septembre 2023

«On reprend notre place dans le marché» – Patrick Bui, de Transat

«Tester l’Amérique du Sud vaut la peine dans un avenir rapproché», affirme le chef de la direction financière, Patrick Bui. (Photo: courtoisie / CNW / Transat)

Malgré sa lourde dette de 1,5 milliard de dollars (G$), les vents commencent à redevenir favorables à Transat, si l’on en croit son chef de la direction financière, Patrick Bui. Et pour en venir à bout, un plan de redressement est attendu d’ici la fin de l’année ou le début de 2024. Les Affaires a profité de l’annonce des plus récents résultats de l’entreprise pour discuter avec lui de l’avenir de l’entreprise aérienne québécoise.

La question est revenue à quelques reprises au cours de l’appel avec les analystes jeudi matin: oui, les revenus de 746 millions de dollars (M$) pour le troisième trimestre, en hausse de près de 40% par rapport à l’année dernière, sont encourageants. Et surtout du retour des profits, 57M$, une première depuis le début de la pandémie.

 

Lire aussi – Transat renoue avec les profits, certains moteurs sous surveillance

Mais la dette, comment la maîtriser, se demandent bien des analystes qui suivent les activités de Transat?

«Oui, c’est un point central pour l’entreprise, avoue d’emblée Patrick Bui. Mais le niveau d’endettement de l’entreprise est dû à 100% en raison de la pandémie. Avant 2020, nous n’avions aucune dette financière. Au contraire, nous avions une encaisse élevée», rappelle-t-il.

«Une bonne partie de cette dette est gouvernementale à plusieurs égards [avec des taux entre 15 et 8%]. Je dis souvent que toutes dettes ne sont pas égales. Dans cette dette-là, il y a à peu près un milliard de baux locatifs. Des avions que l’on fait voler. D’un point de vue comptable, c’est de la dette, mais quelqu’un peut argumenter que c’est de la bonne dette pour opérer les avions», cherche-t-il à nuancer.

Toutefois, une partie de ces 1,5G$ est plus compliquée à rembourser. Et elle coûte très cher au voyagiste. «Il y a une portion que l’on n’aime pas, à peu près 200M$ de dettes, qui est de la dette garantie, explique Patrick Bui. Cette dette nous coûte entre 14% et 15%. Celle-là, on veut la rembourser lorsque possible.»

D’ailleurs, pour en venir à bout, Transat utilisera les 50M$ de la vente (à perte) d’un terrain qu’elle détenait à Puerto Morelos, au Mexique.

«Aujourd’hui, je suis sur une dette gouvernementale. Une tranche nous coûte 1%. Une autre 5%, qui monte à 8% à la fin de l’année. Ce ne sont pas de mauvais taux. Je ne veux donc pas refinancer, juste pour refinancer. Ça doit avoir un sens économique. On est donc patient pour trouver la bonne fenêtre», dit le chef de la direction financière, précisant que cette fenêtre pourrait bien s’ouvrir à la fin de l’année ou quelque part au début de 2024.

 

Contexte économique et d’affaires

Bien que les craintes de récession se propagent dans plusieurs secteurs de l’économie, celles-ci ne semblent pas atteindre, encore, à tout le moins, celui du transport aérien. Surtout qu’en plus des surplus annoncés jeudi, Transat affirme que ses dépôts pour des voyages à venir se sont élevés à 819,9M$ au cours du dernier trimestre, une hausse de 34% par rapport à la fin juillet 2019 et de 40% par rapport au troisième trimestre de 2022.

Autrement dit, les turbulences économiques ne sont pas sur les écrans radars des voyagistes. Patrick Bui tente une explication. «On pense que malgré l’inflation et une récession, les gens ont besoin de voyager pour leur bien-être. Les emplois sont là et l’inflation est là. C’est certain que les budgets sont plus serrés, mais les gens valorisent plus cette dépense. C’est ce qu’on voit.»

Aussi, dit-il à la blague, «ça fait un an et demi que l’on parle de récession. Quelqu’un me disait dernièrement que ça fait plus longtemps que l’on parle de récession que la durée d’une récession. […] En gestionnaire prudent, est-ce que ça nous inquiète? La réponse est oui. Est-ce que l’on voit dans nos données? La réponse est non», affirme-t-il.

La demande est forte, donc, et les prix sont élevés. L’addition parfaite afin que Transat reprenne là où elle a laissé avant la fermeture de l’économie en 2020. D’autant, ajoute l’entreprise, qu’elle «utilise ses avions de manières plus efficaces». «On reprend notre place dans le marché. On renforce des routes historiques que l’on connaît et qui sont profitables», exprime Patrick Bui.

«L’Amérique du Nord et l’Europe sont nos marchés les plus profitables. On y met toute notre attention depuis 35 ans. Je pense qu’il y a encore du développement à faire en Europe», poursuit-il, en ajoutant que la croissance se trouve peut-être probablement aussi vers le sud. Surtout après l’ouverture d’une liaison à Lima, capitale du Pérou, le 28 août dernier.

«Tester l’Amérique du Sud vaut la peine dans un avenir rapproché, affirme le chef de la direction financière. [Pour la clientèle], c’est un marché naturel pour la visite d’amis et de la famille. Mais aussi pour le tourisme d’agrément. On pense qu’il y a quelque chose à développer. Un jour, on va percer davantage en Amérique du Sud.»