Cette sensibilisation grandissante est encourageante certes, mais ne nous voilons pas la face : il reste du chemin à faire avant qu’un leader puisse exprimer librement son épuisement. (Photo: 123RF)
BILLET. É-pui-sés. C’est le constat qui se dégage de toutes les récentes études qui rapportent l’état de nos entrepreneurs. Il faut dire qu’ils ont eu peu de répit depuis quatre ans. D’abord la pandémie, puis l’inflation, et maintenant le spectre d’une récession. Dans ce contexte où il faut changer de cap constamment tout en naviguant à vue, on comprend que certains se sentent submergés !
Face à cette situation alarmante, la communauté d’affaires se mobilise. La BDC offre désormais des heures de psychothérapie à des entrepreneurs. La FFCQ a lancé une ligne d’urgence. L’organisme Persévérance entrepreneuriale a été créé. Des chefs d’entreprise, comme Dominic Gagnon, ici en une et expert invité sur notre site, s’expriment régulièrement pour donner l’heure juste sur les aspects plus difficiles de l’aventure entrepreneuriale.
De notre côté, en tant que média, nous sommes conscients de l’importance d’utiliser notre influence pour mettre en lumière les questions de santé mentale. C’est d’ailleurs notre troisième une en moins de quatre ans sur le sujet. Sur la dernière, nous donnions la parole à des leaders ayant osé briser le tabou. À l’époque, ils avaient eu le courage de partager leur vécu, même s’ils nous disaient craindre les conséquences de cette prise de parole. Nous avons voulu vous dévoiler la suite de l’histoire, en leur demandant cette fois de nous raconter les réactions après la publication de l’article. Nous sommes les premiers soulagés d’apprendre que les retombées ont été positives…et ce, encore aujourd’hui !
Cette sensibilisation grandissante est encourageante certes, mais ne nous voilons pas la face : il reste du chemin à faire avant qu’un leader puisse exprimer librement son épuisement.
Cette détresse a une face cachée : la chute radicale du nombre de personnes se lançant en affaires. Elles sont 100 000 de moins au Canada qu’il y a 20 ans. Lorsqu’on considère, d’un côté, l’anxiété et les risques financiers, et de l’autre le plein emploi et la surenchère de bonnes conditions de travail, on comprend que le choix soit vite fait, et ce, malgré l’attrait d’être son propre patron. La situation risque encore de s’aggraver : les trois quarts des propriétaires de PME veulent céder leur entreprise dans les dix prochaines années, selon la FCEI, dont 22 % pour des raisons d’épuisement.
Qu’en est-il des personnes à la tête des grandes entreprises d’ici ? Si les hauts gestionnaires ont moins de risques financiers directs, les situations à gérer sont beaucoup plus complexes et politiques. Pour le savoir, nous vous offrons en exclusivité la première étude scientifique au monde sur le sujet de la solitude au sommet, menée par le Pole D HEC Montréal, qui se penche sur le métier de PDG.
Entrepreneur ou grand gestionnaire, ne l’oublions pas, un leader fragilisé est plus susceptible de prendre des décisions mettant en péril la stabilité de son entreprise. Il est donc temps de reconnaître que la santé mentale des leaders ne relève pas uniquement de la sphère individuelle, mais constitue un défi économique majeur. La prise en charge de leur souffrance devrait être une priorité et leur bien-être, une responsabilité collective.
Nous avons tous un rôle à jouer pour créer un environnement où parler de santé mentale n’est pas un tabou, mais une nécessité. Soyons les architectes d’un avenir où le succès professionnel va de pair avec la santé mentale.
Agissons maintenant, pour le bien-être des dirigeants, pour la prospérité de nos entreprises et pour la vitalité de notre économie.