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Ça sent le changement dans l’industrie du fromage

Simon Lord|Édition de la mi‑novembre 2020

Ça sent le changement dans l’industrie du fromage

Sylvain ­Charlebois, directeur du ­Laboratoire en science analytique agroalimentaire de l’Université ­Dalhousie, à ­Halifax (Photo: courtoisie)

 

Les choses ont beaucoup bougé dans le monde du fromage cet été : nouvelle usine ­Babybel à ­Sorel, vente en ligne au grand public chez ­Saputo et rachat de la fromagerie ­Le ­Baluchon. Portrait des mouvements dans le secteur, et survol des tendances de fond qui les accompagnent.
Avec la ­COVID-19, la plupart des industries ont pivoté vers la vente en ligne. Le fromage n’a pas fait exception. Saputo a par exemple commencé à vendre ses différents produits fromagers directement au consommateur au moyen d’un nouveau site web. Une initiative qui pourrait être imitée par le reste de l’industrie.
« J’ai parlé à beaucoup d’entreprises, et il y a de l’intérêt. Avec la pandémie, l’accès au consommateur se démocratise, alors j’ai l’impression qu’on verra plusieurs entreprises se lancer dans la vente web au grand public », affirme ­Sylvain ­Charlebois, directeur du ­Laboratoire en science analytique agroalimentaire de l’Université ­Dalhousie, à ­Halifax.
Un autre facteur motivant est celui des tensions qui règnent entre les transformateurs et les détaillants, qui leur imposent des conditions jugées désavantageuses. À la fin octobre, par exemple, ­Loblaw annonçait à ses fournisseurs qu’elle les assujettirait à certains frais supplémentaires. Walmart ­Canada et ­Metro ont fait des annonces similaires au cours des derniers mois.
Sobeys, pour sa part, a indiqué qu’elle n’augmenterait pas unilatéralement les frais des fournisseurs. Reste que dans un tel contexte de tension, qui dure depuis quelques années déjà, « c’est sûr que des entreprises comme ­Kellogg’s, ­Parmalat et ­Agropur se demandent si elles devraient vendre en ligne », souligne ­Sylvain ­Charlebois.
Il reconnaît toutefois que l’industrie fromagère – et les autres transformateurs alimentaires qui voudraient faire pareil – devra mettre l’épaule à la roue, car le ­B2C n’est pas leur ­B2B habituel. À ce sujet, le chercheur note que si ces entreprises veulent faire des premiers pas concluants en commerce électronique, elles auront du travail à faire, notamment sur le plan de l’image.
« À date, ce que j’ai vu, c’est qu’il y a peu d’entreprises qui font un travail suffisamment raffiné en ce qui a trait au marketing et à leurs interfaces de commerce électronique. »
Favoriser le local
Le lancement annoncé le 6 août dernier de la production des ­Mini ­Babybel à ­Sorel est ­peut-être signe de changements à venir dans cette industrie, estime ­Charles ­Langlois, ­PDG du ­Conseil des industriels laitiers du ­Québec (CILQ). « À mon avis, c’est un projet lancé en réaction aux tendances de consommation locale qui s’observent depuis quelques années. »
Il note qu’un produit fabriqué localement avec du lait canadien fait meilleure presse et donne une meilleure perception au consommateur qu’un produit importé. « ­Le marché de ­Babybel est assez développé au ­Canada, alors l’entreprise était mûre pour s’installer ici en lançant son usine », croit le ­PDG.
L’usine, dont la construction a demandé des investissements de 87,5 millions de dollars, vise à répondre à la demande du marché canadien et à fabriquer localement des fromages qui étaient jusqu’ici importés des ­États-Unis et de la ­France. Plus de 150 millions de ­Mini ­Babybel seront produits chaque année dans ces installations de 70 000 pieds carrés. Selon l’entreprise, ce projet devait créer 140 emplois.
En août, les médias ont rapporté que la fromagerie L’Ancêtre, à ­Bécancour, venait de faire l’acquisition de la fromagerie ­Le ­Baluchon de ­Sainte-Anne-­
de-la-Pérade. « ­Cette dernière vivotait depuis quelques années », raconte ­Charles ­Langlois. Cette transaction pourrait, elle aussi, être signe des choses à venir dans l’industrie.
En effet, la plus grande préoccupation du secteur, fait valoir le ­PDG du ­CILQ, demeure celle d’une consolidation forcée par l’accroissement des importations. Selon ­Charles ­Langlois, l’entrée en vigueur de différents traités, comme l’Accord de partenariat transpacifique, l’accord de ­libre-échange ­Canada-Europe et l’Accord ­Canada-États-­­Unis-Mexique, viendra à terme miner l’industrie fromagère locale.
« ­Pour l’instant, il n’y a pas de mouvement lié à cette réalité, mais on anticipe que l’augmentation des importations pourrait forcer l’industrie à se réorganiser », précise celui qui craint en outre de voir des entreprises locales disparaître.
C’est que si les traités sont entrés en vigueur au cours des dernières années, ils prévoient une augmentation graduelle des importations de fromage avec le temps. « ­Les impacts pourraient commencer à se manifester au cours des années qui viennent, explique ­Charles ­Langlois. C’est là où on va voir si ces changements vont venir déstructurer notre industrie. »
– ­Simon ­Lord

 

TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Les choses ont beaucoup bougé dans le monde du fromage cet été : nouvelle usine ­Babybel à ­Sorel, vente en ligne au grand public chez ­Saputo et rachat de la fromagerie ­Le ­Baluchon. Portrait des mouvements dans le secteur, et survol des tendances de fond qui les accompagnent.

Avec la ­COVID-19, la plupart des industries ont pivoté vers la vente en ligne. Le fromage n’a pas fait exception. Saputo a par exemple commencé à vendre ses différents produits fromagers directement au consommateur au moyen d’un nouveau site web. Une initiative qui pourrait être imitée par le reste de l’industrie.

« J’ai parlé à beaucoup d’entreprises, et il y a de l’intérêt. Avec la pandémie, l’accès au consommateur se démocratise, alors j’ai l’impression qu’on verra plusieurs entreprises se lancer dans la vente web au grand public », affirme ­Sylvain ­Charlebois, directeur du ­Laboratoire en science analytique agroalimentaire de l’Université ­Dalhousie, à ­Halifax.

Un autre facteur motivant est celui des tensions qui règnent entre les transformateurs et les détaillants, qui leur imposent des conditions jugées désavantageuses. À la fin octobre, par exemple, ­Loblaw annonçait à ses fournisseurs qu’elle les assujettirait à certains frais supplémentaires. Walmart ­Canada et ­Metro ont fait des annonces similaires au cours des derniers mois.

Sobeys, pour sa part, a indiqué qu’elle n’augmenterait pas unilatéralement les frais des fournisseurs. Reste que dans un tel contexte de tension, qui dure depuis quelques années déjà, « c’est sûr que des entreprises comme ­Kellogg’s, ­Parmalat et ­Agropur se demandent si elles devraient vendre en ligne », souligne ­Sylvain ­Charlebois.

Il reconnaît toutefois que l’industrie fromagère – et les autres transformateurs alimentaires qui voudraient faire pareil – devra mettre l’épaule à la roue, car le ­B2C n’est pas leur ­B2B habituel. À ce sujet, le chercheur note que si ces entreprises veulent faire des premiers pas concluants en commerce électronique, elles auront du travail à faire, notamment sur le plan de l’image.

« À date, ce que j’ai vu, c’est qu’il y a peu d’entreprises qui font un travail suffisamment raffiné en ce qui a trait au marketing et à leurs interfaces de commerce électronique. »

 

Favoriser le local

Le lancement annoncé le 6 août dernier de la production des ­Mini ­Babybel à ­Sorel est ­peut-être signe de changements à venir dans cette industrie, estime ­Charles ­Langlois, ­PDG du ­Conseil des industriels laitiers du ­Québec (CILQ). « À mon avis, c’est un projet lancé en réaction aux tendances de consommation locale qui s’observent depuis quelques années. »

Il note qu’un produit fabriqué localement avec du lait canadien fait meilleure presse et donne une meilleure perception au consommateur qu’un produit importé. « ­Le marché de ­Babybel est assez développé au ­Canada, alors l’entreprise était mûre pour s’installer ici en lançant son usine », croit le ­PDG.

L’usine, dont la construction a demandé des investissements de 87,5 millions de dollars, vise à répondre à la demande du marché canadien et à fabriquer localement des fromages qui étaient jusqu’ici importés des ­États-Unis et de la ­France. Plus de 150 millions de ­Mini ­Babybel seront produits chaque année dans ces installations de 70 000 pieds carrés. Selon l’entreprise, ce projet devait créer 140 emplois.

En août, les médias ont rapporté que la fromagerie L’Ancêtre, à ­Bécancour, venait de faire l’acquisition de la fromagerie ­Le ­Baluchon de ­Sainte-Anne-­de-la-Pérade. « ­Cette dernière vivotait depuis quelques années », raconte ­Charles ­Langlois. Cette transaction pourrait, elle aussi, être signe des choses à venir dans l’industrie.

En effet, la plus grande préoccupation du secteur, fait valoir le ­PDG du ­CILQ, demeure celle d’une consolidation forcée par l’accroissement des importations. Selon ­Charles ­Langlois, l’entrée en vigueur de différents traités, comme l’Accord de partenariat transpacifique, l’accord de ­libre-échange ­Canada-Europe et l’Accord ­Canada-États-­­Unis-Mexique, viendra à terme miner l’industrie fromagère locale.

« ­Pour l’instant, il n’y a pas de mouvement lié à cette réalité, mais on anticipe que l’augmentation des importations pourrait forcer l’industrie à se réorganiser », précise celui qui craint en outre de voir des entreprises locales disparaître.

C’est que si les traités sont entrés en vigueur au cours des dernières années, ils prévoient une augmentation graduelle des importations de fromage avec le temps. « ­Les impacts pourraient commencer à se manifester au cours des années qui viennent, explique ­Charles ­Langlois. C’est là où on va voir si ces changements vont venir déstructurer notre industrie. »