Restrictions sanitaires: le panier d’épicerie dans la mire
Alexandre D’Astous|Édition de la mi‑novembre 2020Les ventes en épicerie ont effectivement augmenté, mais pas au même rythme que la diminution des autres secteurs. (Photo: Atoms pour Unsplash)
TRANSFORMATION ALIMENTAIRE. Les transformateurs alimentaires de la province ont pu combler une partie de leurs pertes dans les hôtels, restaurants et institutions – surnommés les HRI –, sérieusement affectés par les effets de la pandémie de COVID-19 en augmentant leurs ventes en épicerie, constate le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).
« Les gens ont continué de manger, sauf qu’avec la fermeture des HRI, ils ont mangé davantage à la maison, surtout ceux qui sont en télétravail ou en confinement », rappelle la PDG du CTAQ, Sylvie Cloutier. Elle explique que plusieurs des 550 transformateurs représentés par le Conseil ont alors décidé de « reformater » des produits habituellement destinés à la restauration afin de les vendre en épicerie. « C’est sûr que les HRI demandent leurs produits dans de plus grands formats que les consommateurs. »
Les entreprises ont ainsi pu compenser une partie de leurs pertes occasionnées par les fermetures d’établissements découlant des mesures sanitaires. Non sans difficulté. « Tout le monde ne peut pas entrer sur les tablettes des épiceries, où on retrouve des produits de partout dans le monde. Il faut arriver à faire sa place, et on se bat contre de grands joueurs de l’industrie alimentaire », précise Sylvie Cloutier.
Nouvelles idées
Pour le directeur général du Centre de développement bioalimentaire du Québec (CDBQ), Charles Lavigne, la meilleure solution pour y arriver est d’innover et de proposer de nouveaux produits qui plairont aux consommateurs, ce qui forcera les épiciers à les placer sur les tablettes.
« Après une baisse en mars, nous avons une forte demande de nos services depuis l’été et des transformateurs viennent nous voir avec des idées », mentionne-t-il en soulignant que le rôle du CDBQ est d’accompagner les entreprises dans le développement de produits innovateurs. « Comme les gens restent davantage à la maison, nous avons reçu beaucoup de demandes pour des projets de boîtes-repas et d’autres produits que les consommateurs peuvent manger à domicile. » Parmi les nouveaux produits sur lesquels le CDBQ travaille, Charles Lavigne donne l’exemple d’un mélange pour confectionner des biscuits sans cuisson.
La CTAQ invite d’ailleurs ses membres à innover, même s’ils peuvent plutôt penser le contraire en période d’incertitude. « Le défi, c’est de rester sur les tablettes des épiceries. Pour ça, il faut convaincre les consommateurs, car les épiciers adaptent leur offre en fonction de la demande », note sa PDG.
Des entrepôts remplis
Les ventes en épicerie ont effectivement augmenté, mais pas au même rythme que la diminution des autres secteurs. En plus des HRI, les marchés des avions et du transport ferroviaire – qui servent des aliments du Québec à leurs clients – fonctionnent eux aussi au ralenti depuis le mois de mars.
Le ralentissement des activités dans les restaurants, bars, hôtels et institutions, dont les cafétérias, arrive à un bien mauvais moment. Avant la pandémie, la demande pour les produits alimentaires québécois était en forte expansion dans ces établissements. Les ventes y totalisaient 17,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 5,1 % en un an, selon le rapport Bioalimentaire économique 2019 publié par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation. « Cela représentait environ 30 % de nos marchés, que nous devons tenter de regagner », calcule Sylvie Cloutier.
Preuve que les parts de marché n’ont pas toutes été récupérées, elle signale que les entrepôts de plusieurs de ses membres sont pleins. « Ils essaient de trouver des moyens pour écouler leurs productions. » Surtout que, sans avoir de boule de cristal pour prévoir ce qui se passera en 2021, la CTAQ « ne s’attend pas vraiment à une hausse dans les HRI à court terme ».
Le Québec d’abord
Le CTAQ se réjouit cependant des efforts du gouvernement du Québec en matière de promotion des produits locaux. « C’est très positif pour nous, car la plupart des produits portant le sceau Aliments du Québec proviennent de nos membres », commente Sylvie Cloutier. Elle précise cependant que le fameux Panier bleu du gouvernement Legault ne concerne pas du tout les transformateurs alimentaires.
Toutefois, à l’approche des fêtes, certains organismes locaux ont mis en place une initiative pour les soutenir. Dans la Matapédia, dans le Bas-Saint-Laurent, la MRC et la SADC se sont par exemple unies pour proposer des boîtes de produits agroalimentaires locaux à offrir à ses proches… ou à ses travailleurs. « Il sera pratiquement impossible pour les entreprises de récompenser leurs employés au moment du traditionnel party de bureau, donc la boîte-cadeau est une solution clé en main », fait valoir Chantale Lavoie, préfète de la MRC de La Matapédia.