Sources: Études économiques, Desjardins
SIGNAUX FORTS. Nous notions dans notre chronique d’avril dernier que la crise économique découlant de la COVID-19 et, surtout, des mesures de confinement mises en place pour freiner la pandémie représentait un choc sans précédent qui serait bien différent des crises des dernières décennies. Les statistiques publiées au cours des dernières semaines ont confirmé l’ampleur de la contraction économique initiale partout sur la planète. Par exemple, le PIB réel de la zone euro a reculé de 40 %, à rythme annualisé, au deuxième trimestre. Au Canada, il s’est contracté de 38,7%, selon des données dévoilées par l’agence de la statistique le 28 août 2020. Un rebond rapide des embauches et de plusieurs activités économiques est toutefois observé lorsque les mesures de confinement ont été levées. En Amérique du Nord, la résilience des revenus des ménages est particulièrement encourageante pour la suite des choses.
Aux États-Unis, la première estimation des comptes nationaux montre que, après un recul de 5 % à rythme annualisé au premier trimestre de 2020, le PIB réel a chuté de 31,7 % au deuxième trimestre. Même si elle est moins prononcée que dans d’autres pays où les mesures de confinement ont été encore plus importantes, il s’agit de la pire contraction de l’activité aux États-Unis depuis au moins le début des années 1950. Paradoxalement, cette chute historique de l’activité, et du marché du travail étant donné que plus de 22 millions d’emplois ont été perdus entre février et avril, s’est accompagnée d’un gain record des revenus des ménages.
En effet, les comptes nationaux américains indiquent que le revenu disponible réel des ménages a crû à un rythme annualisé de 44,9 % au cours du deuxième trimestre, un autre résultat historique. Cela est attribuable à l’explosion des transferts des gouvernements vers les ménages, les revenus salariaux ayant fortement reculé. Les importants chèques envoyés par le gouvernement fédéral et la généreuse bonification des paiements d’assurance-emploi semblent ainsi avoir plus que compensé le choc salarial découlant de l’arrêt d’une bonne partie de l’économie américaine au printemps. Cette poussée des revenus, combinée à la baisse de la consommation, a fait bondir le taux d’épargne des ménages américains de 9,5 % au premier trimestre, à 25,7 % au deuxième.
Au moment d’écrire ces lignes, les données canadiennes sur les revenus pour le deuxième trimestre n’étaient pas encore disponibles, mais il faut aussi s’attendre à une forte résilience des revenus des ménages ainsi qu’à une augmentation importante du taux d’épargne. Comme aux États-Unis, les gouvernements ont compensé l’arrêt soudain des activités non essentielles par de généreux programmes pour soutenir les ménages et les entreprises. En particulier, la Prestation canadienne d’urgence avait déjà versé plus de 64 milliards de dollars aux Canadiens en date du 2 août. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant d’observer, des deux côtés de la frontière, un rebond rapide des dépenses de consommation et de l’activité sur le marché immobilier depuis le mois de mai.
Les perspectives économiques demeurent empreintes d’une grande incertitude et personne ne peut prédire précisément l’évolution de la COVID-19 et le moment auquel un vaccin efficace sera accessible. La situation de plusieurs entreprises reste difficile et ces dernières risquent d’être hésitantes à investir pour encore un certain temps. En l’absence d’une importante deuxième vague qui forcerait un nouvel arrêt des activités non essentielles, on peut toutefois penser que les ménages nord-américains continueront de soutenir la relance économique au cours des prochains mois. En protégeant temporairement le revenu des ménages, les gouvernements semblent avoir évité une dégradation majeure de leur situation financière qui aurait pu compromettre les perspectives économiques pour plusieurs années. Les allègements offerts par les institutions financières ont aussi contribué à éviter un cercle vicieux de faillites personnelles et de baisses durables de la consommation.
Bien sûr, toute cette aide pour les ménages n’est pas gratuite et elle a déjà entraîné une dégradation importante des finances publiques américaines et canadiennes. Plusieurs reprochent aussi à ces programmes de soutien du revenu de nuire au retour des chômeurs sur le marché du travail. Chose certaine, une telle divergence entre l’évolution de l’économie et des revenus des ménages ne serait pas soutenable très longtemps. Maintenant que le déconfinement et la remontée de l’emploi sont bien amorcés, le défi pour les gouvernements sera de retirer graduellement cette aide sans engendrer un choc négatif de revenu qui pourrait compromettre la reprise.