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Nicolas Duvernois

Chronique d'un entrepreneur

Nicolas Duvernois

Expert(e) invité(e)

Le salaire des députés dans la Sainte-Trinité des tabous

Nicolas Duvernois|Publié le 30 mai 2023

OPINION. Quelques pièges à éviter dans ce débat...

«Non seulement [les députés] doivent convaincre les électeurs de la qualité du boulot qu’ils ont fait, mais ils doivent le faire les mains attachées dans le dos, étant à la merci des modes électorales passagères.» (Photo: 123RF)

 

EXPERT INVITÉ. Depuis quelques mois, le salaire des députés fait la manchette. Depuis que la CAQ a annoncé aller de l’avant en déposant un projet de loi en ce sens, on assiste à une véritable guerre de chiffres, de comparaisons douteuses et d’opinions de toutes sortes!

Analysant le débat sur les lignes de côté, je trouvais intéressant d’écouter les arguments des uns et des autres afin de me faire une tête sur un sujet beaucoup plus complexe qu’une simple hausse salariale.

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Les astres étaient parfaitement alignés pour offrir sur un plateau d’argent des munitions aux adversaires du gouvernement Legault. Après quelques mois assez tumultueux — en raison notamment de la mise à mort du troisième lien et de certaines maladresses pluriministérielles — il fallait s’attendre au Vaudeville dont nous sommes témoins en ce moment.

«Un salaire est ce que l’on reçoit en contrepartie d’un travail ou d’un service, définit le Larousse. Au sens strict, c’est une somme d’argent convenue d’avance et versée régulièrement à un employé par son employeur en vertu d’un contrat de travail.»

Le salaire versé varie selon une multitude de facteurs: l’offre et la demande, la réalité économique, les formations, qualifications et expériences acquises, les rôles et responsabilités du poste, les différentes complexités de la tâche à effectuer, les performances et résultats attendus et même selon la taille de l’entreprise ou le lieu géographique de l’emploi.

Le débat sur le salaire ne date pas d’hier, que ce soit pour le salaire des députés, des infirmières, des chauffeurs d’autobus ou des joueurs des Canadiens de Montréal. Parfois pour décrier la cupidité de certains dirigeants, d’autres fois pour dénoncer l’iniquité salariale de certains emplois.

Au Québec, le sujet est hautement explosif. Que l’on parle de religion, de politique, ou d’argent, nous faisons face à la Sainte-Trinité des tabous. Il suffit de soulever la question pour que les chemises se déchirent et que les familles se séparent.

Notre relation à l’argent — car c’est le réel enjeu du débat — ne risque pas de changer de sitôt. En toute honnêteté, quand j’entends le député Gabriel Nadeau-Dubois hurler à l’injustice, déclarer être prêt à se battre jusqu’au bout et promettre d’offrir ce qu’il recevra «injustement» à ses yeux à des organismes communautaires tel un Robin des Bois à l’ère de Tik Tok, je me dis que nous sommes encore loin d’avoir un débat serein sur la question.

Maintenant, revenons au salaire des députés. Nous devons admettre que la réalité de l’emploi, pourtant si important, n’est guère attrayante. Que celui qui voudrait mettre son poste en jeu chaque cinq ans lève la main!

Non seulement ils doivent convaincre les électeurs de la qualité du boulot qu’ils ont fait, mais ils doivent le faire les mains attachées dans le dos, étant à la merci des modes électorales passagères. Vague orange, Trudeau mania, tsunami caquiste, nombre d’excellents députés, tous partis confondus, ont perdu leur poste pour ne pas faire partie de la tendance électorale du moment.

Il me faudrait aujourd’hui plusieurs pages pour vous détailler tous les arguments qui justifient mon accord envers cette hausse salariale. J’ai cependant repéré quelques pièges à éviter dans ce débat.

 

Politiser et personnaliser 

À bien des égards, il est dangereux de jouer la carte partisane afin d’espérer faire la clip du Téléjournal ou de grappiller quelques votes ici et là, en tentant maladroitement de démontrer un soi-disant vœu de satiété salariale.

Tout emploi, quel qu’il soit, mérite un salaire reflétant les rôles, responsabilités et autres facteurs qui en découlent. Que ce soit pour un jeune père de famille comme Gabriel Nadeau-Dubois, ou tout autre député, les orientations politiques ne devraient en aucun cas interférer dans les discussions.

 

Comparer et mélanger

La pire erreur serait de tomber dans le jeu des comparaisons en créant toutes sortes de parallèles sans queue ni tête. Non seulement il est futile de comparer le salaire de députés avec celui des professeurs par exemple, mais il est tout aussi contre-productif de mélanger salaire, indemnités, allocations et régime de retraite qui sont tous des sujets à traiter indépendamment (même s’ils font partie d’une rémunération dite globale).

Il est impossible d’arriver à un consensus réfléchi et juste en comparant des pommes avec des carottes, en incluant le verger pour l’un et en excluant le potager pour l’autre.

Finalement, je vous inviterai à éviter l’exclusion par association. Le fait que je sois en accord avec cette hausse ne veut en aucun cas supposer le contraire pour les autres demandes des employés de l’État.

Une fois que ce dossier sera chose du passé, je militerai tout autant pour les employés du réseau de la santé ou de l’éducation, par exemple, qui méritent entièrement, eux aussi, une hausse salariale reflétant les rôles, responsabilités et autres facteurs qui découlent de leur type d’emploi.