Pierre Fitzgibbon (Photo: Simon Prelle)
En table éditoriale avec Les Affaires, le 19 avril dernier, le ministre de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie et le ministre responsable du Développement économique régional, Pierre Fitzgibbon, nous a entre autres glissé quelques mots au sujet du très attendu «projet de loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives», qui sera présenté ce jeudi à 11h30.
En attendant de lire une couverture complète par nos journalistes François Normand, Emmanuel Martinez et Dominique Talbot, ainsi que notre expert invité Pierre Olivier Pineau, voici des extraits qui abordent ce grand projet qu’il caresse depuis 2022.
À (re)lire : Ce projet de loi affectera toutes les entreprises
Les Affaires: Est-ce qu’il y a une possibilité de relancer [la centrale nucléaire] de Gentilly?
Aujourd’hui, on ne va pas essayer, les Québécois ne sont pas prêts à ça.
Par contre, j’ai dit publiquement qu’on ne décarbonera pas la planète sans nucléaire, ça n’arrivera pas. On le voit avec les Américains, les Ontariens, ça va arriver.
Quand est-ce qu’on va pouvoir amener le débat au Québec ? Bientôt. Parce qu’on va développer au Québec une approche qu’on n’a jamais utilisée, ça s’appelle le Plan intégré des ressources énergétiques.
On a reçu [en avril] le ministre de l’Énergie et l’Économie en France, eux ils ont les Programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), c’est la même affaire.
Notre gouvernement va mettre ça en place. Nous allons travailler avec tous les intervenants pour montrer quels sont les besoins énergétiques, car on ne peut pas tout électrifier.
L’industrie au complet ne peut pas s’électrifier, ni les transports lourds. Donc, forcément, il va y avoir des besoins importants relatifs à l’hydrogène…
… Parce qu’à un moment donné, est-ce qu’on va construire 15 barrages ? Peut-être, mais peut-être pas. Est-ce qu’on va faire des éoliennes ? Oui, mais il va y en avoir dans votre cour, dans la mienne… on n’aimera peut-être pas ça. Le nucléaire va donc s’insérer dans la discussion.
Les Affaires: La discussion va ainsi être relancée au dépôt de votre projet de loi [sous peu]?
Oui, je vais déposer ça. Je vais prendre mon temps parce qu’il y a beaucoup de gens qui vont intervenir, dont Hydro-Québec et Énergir. On va le déposer à la fin de la session pour que tout le monde puisse s’exprimer durant l’été, autour des barbecues.
Il n’y a pas de bâillon sur ça. On va prendre le temps qu’il faut pour un débat public. Et le nucléaire va s’insérer un peu, mais pas immédiatement. Parce que c’est seulement quand on aura le plan intégré des ressources énergétiques que les gens vont pouvoir se dire : « Est-ce qu’on opte pour le nucléaire ou un 14e barrage ? »
Il faut avoir une bonne discussion pédagogique avec les Québécois. Il y a des experts qui vont nous expliquer : voici ce qui se passe dans le nucléaire.
Les Affaires: donc la centrale de Gentilly pourrait repartir?
Gentilly, c’est clair qu’on pourra la repartir éventuellement, mais on va voir le narratif. Parce qu’il y a deux choses : sécurité et uranium. Sécurité, juste pour dire que Fukushima a réouvert. Plus près de nous, il y a OPG, en Ontario, où il y a un parc et les enfants jouent là-dedans, [on l’a vu].
Alors, je pense qu’il faut avoir une bonne discussion pédagogique avec les Québécois.
Les Affaires: Le 10 novembre dernier, vous avez accordé environ 956 MW d’électricité. HEC Montréal a fait une étude qui a tout ventilé avec un tableau: 67% allaient à la filière batterie, 37% pour Northvolt. Québec ne prend-il pas un risque de surexposition (pour reprendre une expression en investissement) en mettant autant ses œufs dans le panier de la filière batterie?
Quand j’ai été nommé ministre de l’Énergie, Hydro-Québec m’a appelé dans les semaines qui ont suivi pour me dire: « Nous ne pouvons pas satisfaire la demande industrielle. » Dans le passé, le gouvernement devait approuver tout projet en haut de 50 MW. On a depuis baissé ce seuil à 5 MW.
Aujourd’hui, j’ai 13 500 MW de demande industrielle pour des projets intéressants. Mais il n’y en a pas, de mégawatts, techniquement.
Hier, j’étais avec un maire que je ne nommerai pas, et il me disait : « Pierre, j’en veux dans la prochaine année. » Il n’y en a pas ! Le poste ne peut pas fournir de l’électricité en ce moment. Ça va prendre cinq ans peut-être pour le mettre à niveau. Le problème est sérieux.