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Oui, les cryptos offrent des avantages aux entreprises, mais…

François Remy|Publié le 17 janvier 2022

Oui, les cryptos offrent des avantages aux entreprises, mais…

Pour faire des affaires, l'utilisation des cryptomonnaies offre assurément un large éventail d'opportunités. Mais, chaque opportunité charrie aussi son lot de difficultés selon la culture technologique, comptable, managériale de l’entreprise qui ose sauter le pas. (Photo: 123RF)

LES CLÉS DE LA CRYPTO est une rubrique qui décode patiemment l’univers de la cryptomonnaie et ses secousses boursières, industrielles et médiatiques. François Remy se donne pour mission d’identifier les entrepreneurs prometteurs, de décoder les progrès techniques et d’anticiper les impacts industriel et sociétal de cette monnaie numérique.


(Illustration: Camille Charbonneau)

 

L’année 2021 marque un fameux millésime pour les jeunes entreprises de la chaîne de blocs. Les rondes de financement explosent les compteurs un peu partout dans le monde. 
« Une année qui a déjà battu tous les records », mentionne l’entreprise d’analyse commerciale CB insights dans son nouveau rapport trimestriel L’état des lieux de la chaîne de blocs https://www.cbinsights.com/research/report/blockchain-trends-q3-2021. Le financement mondial des start-ups actives dans la chaîne de blocs et/ou les cryptomonnaies a continué son ascension (+384% par rapport à 2020) pour atteindre de nouveaux sommets : l’équivalent de 19 milliards de dollars (G$) canadiens depuis janvier. 
Un phénomène qui ne s’est donc pas arrêté aux frontières du Canada. Rien qu’au cours des trois derniers mois écoulés, les entreprises en croissance ont vu affluer près de 645 millions de dollars (M$), soit des montants dix fois plus conséquents qu’au trimestre précédent. 
Parmi celles-ci, citons l’entreprise vancouvéroise Dapper Labs, rendue célèbre à la fin de 2017 pour ses CryptoKitties https://www.cryptokitties.co/ (oui oui, des chatons numériques à élever, à collectionner ou à vendre), mais qui est passée en ligue majeure de l’industrie crypto avec les NBA Top Shot https://nbatopshot.com/ (de grands moments de joueurs de basket-ball immortalisés sous forme de NFT sur la chaîne de blocs). 
Forte de 220 employés et valorisée à 9,5 G$, la licorne Dapper Labs a ainsi réalisé en septembre dernier une méga-ronde de plus de 300 M$ https://venturebeat.com/2021/09/22/dapper-labs-raises-250m-and-seals-deal-with-laliga-for-soccer-nft-collectibles/, qui serviront entre autres à démocratiser davantage les objets digitaux de collection.
Un mois plus tôt, un autre acteur principal de l’écosystème du bitcoin avait aussi mené une méga-ronde de l’ordre de 261 M$ https://blockstream.com/2021/08/24/en-blockstream-secures-210m-series-b-financing/ , la société Blockstream siégeant à Victoria, en Colombie-Britannique. 
[CARTOGRAPHIE DES FINANCEMENTS]
Créée en 2014 en se donnant pour mission de « bâtir l’infrastructure financière du futur » en suivant l’innovation libre, l’entreprise s’est imposée en cheffe de file dans le domaine des technologies de la chaîne de blocs et de la recherche de pointe en cryptographie et en systèmes distribués. Il s’agit d’une nouvelle licorne, dont la valeur flirte désormais avec les 4 G$. 
Il faut dire qu’avec douze nouvelles licornes à l’échelle mondiale sur la période observée, ce « taux de natalité entrepreneuriale » n’a jamais été aussi élevé. Cela étant dit, le troupeau demeure très américain, avec 15 licornes sur les 31 répertoriées cette année.
Autre fait notable, alors que ce sont les « cryptobourses » qui ont attiré le plus de fonds par rapport à toutes les autres catégories d’activités cette année, le Canada n’enregistre aucun financement dans ce secteur précis.
Sur l’échiquier international du capital-risque, le Canada se distingue grâce à son dynamisme par rapport au reste du monde avec environ 10% des financements pendant le trimestre observé, et ce, alors que les opérations ne représentent que 2% des volumes globaux (286 deals). Bien plus grande, l’Europe affiche 15% des financements, tandis que l’Asie pèse pour 20%. Mais ce sont les États-Unis qui dominent largement (50%).
Pour conclure le top cinq trimestriel des financements au Canada, dans une mesure nettement moindre que leurs homologues, notons, tout d’abord, la société Figment, fournisseur torontois d’infrastructure pour le web décentralisé, qui a récolté pour 62 M$ https://figment.io/resources/figment-announces-50-million-in-series-b-funding/. Ensuite, on retrouve Horizon Blockchain Games, une autre entreprise de Toronto, qui comme son nom l’indique crée des jeux cryptos et des outils pour aider les autres à en faire de même, dont la somme obtenu s’élève à 5,6 M$. Enfin, le « groupe mondial décentralisé de développeurs passionnés » Fuel Labs, qui élabore des protocoles venant se greffer sur Ethereum, a reçu un soutien financier à hauteur de 1,9 M$ https://www.businesswire.com/news/home/20210921005286/en/Fuel-Labs-Announces-1.5-Million-of-Support-Led-by-CoinFund .
En somme, depuis le début de l’année, plus d’1,2 G$ canadiens ont déjà été injectés dans des start-ups et scale-ups liées à la crypto. Et la tendance ne devrait pas s’inverser de sitôt…
  

Accepter du bitcoin dans une organisation ne revient pas simplement à intégrer un nouveau moyen de paiement. Il s’agit d’une transformation numérique. Les cryptomonnaies soulèvent des questions stratégiques fondamentales pour lesquelles nombre de directions ou structures ne disposent pas forcément des solutions.

Imaginez un peu qu’une agence numérique de Saint-Hubert soit devenue la première du genre au Canada à accepter les cryptomonnaies. C’est cette position de pionnière que revendique l’entreprise de web marketing MAC Media.

Son propriétaire, Anthony Gibault (26 ans), multi-entrepreneur autodidacte, réfute toute pirouette publicitaire. Le millénarial croit fermement à l’essor des technologies décentralisées telles que les chaînes de blocs et à la façon dont elles sculptent l’avenir du numérique. 2022 devrait marquer de grands progrès au niveau de l’adoption des cryptos et du développement de l’écosystème. (Le métavers, ça vous parle?)

Pas de frais bancaires, facilités pour les transactions internationales… Selon lui, MAC Media et ses clients ont tout intérêt à utiliser bitcoins et ethers, pour ne citer que ces deux monnaies cryptographiques. Puis soyons de bon compte, les utilisateurs ne paient pas réellement en cryptos. Les fournisseurs de paiement auxquels l’agence numérique a recours convertissent immédiatement en bons vieux dollars canadiens.

Cela étant dit, l’expérience commerciale offerte par l’entreprise d’Anthony Gibault gagne en flexibilité en proposant un autre moyen de paiement. Moyen qui, de son point de vue, n’introduit pas de risque additionnel si la gestion des affaires demeure maîtrisée.

 

Véritable phénomène économique

La tendance se dessine nettement. Les cryptomonnaies devraient profiter en 2022 de la numérisation des transactions forcée depuis bientôt deux ans par la pandémie. D’ailleurs, 24% des petites et moyennes entreprises sondées par Visa prévoient d’accepter les monnaies numériques comme bitcoin dans le courant de l’année, ressort-il de l’enquête Retour mondial aux affaires du géant des paiements.

Face au bitcoin et aux 16 845 devises numériques qui cohabitent désormais, le scepticisme prévaut encore dans certains milieux économiques traditionnels. Évoquons alors quelques pistes de réflexion théorique plaidant en faveur de l’adoption des cryptos par une entreprise.

Outre le fait de pouvoir transiger directement avec la clientèle ou des investisseurs, sans intermédiaire financier, donc de façon moins coûteuse et plus efficiente, gérer du BTC et autres altcoins permet d’appréhender de façon pratique l’innovation technologique.

Cela permet à une entreprise d’explorer une dimension financière que ne permettent pas les monnaies fiduciaires (l’argent programmable), de la positionner aussi par rapport à la concurrence sur un domaine émergent à forte croissance.

L’approche de marché peut s’étoffer, en accédant à de nouveaux groupes démographiques, avec un autre pouvoir d’achat (potentiellement plus élevé selon le marché), d’accéder à de nouvelles sources de financement…

 

Nouveau modèle d’affaires, un bloc à la fois

À votre avis, pourquoi une enseigne historique comme Couche-Tard propose des distributeurs de bitcoin?

Pour faire des affaires, l’utilisation des cryptomonnaies offre assurément un large éventail d’opportunités. Mais, il y a un «mais» bien sûr. Chaque opportunité charrie son lot de difficultés, plus ou moins aiguës selon la culture technologique, comptable, managériale de l’entreprise qui ose sauter le pas.

Les cryptomonnaies ne s’implémentent pas dans des activités aussi facilement qu’on télécharge un module d’extension sur son navigateur web. Cela requiert une compréhension et une stratégie. L’exercice comporte(ra) des risques de volatilité et la mise du curseur sur des objectifs plutôt à long terme. Pendant ce temps, des questions, voire des inconnues réglementaires surgissent. Les différents régulateurs compétents ne donnant souvent que des lignes directrices, dont la précision varie en plus fortement d’une juridiction.

Accepter un actif numérique semble plus lourd de conséquences que d’ajouter un nouveau canal de paiement. Il convient de décrypter les raisons propres à l’entreprise ou à son environnement industriel.

À l’instar de toute transformation organisationnelle, des investissements s(er)ont nécessaires, pas seulement financiers, mais aussi en temps consacré à l’analyse et la mise en œuvre, en personnes dédiées, en contrôles, en ouverture pour la communication interne. La pertinence doit guider l’application. Les cryptos demeurant avant tout un outil technologique, s’il fallait encore le rappeler.

 

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